Rien que d'avoir l'intention au sommet de la hiérarchie exécutive locale de faire le ménage dans la Pêcherie, c'est déjà une très bonne chose pour Oran. A tous points de vue. Passer à l'acte, c'est tout simplement une réalisation. Une vraie. Forcément, l'idée a effleuré tous ceux qui se sont relayés sur la gouvernance de la ville. Car le désordre à cette porte de la cité, côté Corniche, est trop flagrant. Ça crève les yeux. Mais les plus entreprenants d'entre eux se sont bien contentés -priorités ailleurs, cela oblige- de quelques actions de saupoudrage. Le cache-misère a été de tout temps le mode d'emploi, la règle d'usage, dans ce petit pan de la carte postale d'Oran. Encore que le trompe-l'œil et les interventions épidermiques auxquels on s'essayait, au gré des humeurs, étaient extrêmement grossiers. Trop primitifs. Un traitement pire que la maladie. Résultat : au lieu de se restructurer, le site s'est déstructuré davantage au fil des ans. Au lieu de devenir un site touristique par excellence, il s'est enfoncé dans sa pseudo-vocation de gargotes vue sur mer, par écran interposé de port renfermé sur lui-même et barreaudé de part en part. Au lieu de s'ouvrir sur la ville et lui servir de pôle (touristique et patrimonial) attractif, il lui a tourné le dos, lui a même compliqué l'existence en ayant un effet de thrombose artérielle sur son axe à grand flux, celui dit «route des Tunnels», un vrai goulot d'étranglement, dans les deux sens, qui prend en otage des milliers d'usagers à longueur d'année. Bref, cet endroit ayant tous les atouts pour être un havre de paix et un lieu de villégiature où il fait certes beau s'assoir autour de plats à base de poissons et de fruits de mer qui sentent encore la mer, ses algues, ses aventures, ses états d'âme et sa longue histoire avec l'homme, s'est réduit par la force des choses à sa plus simple expression de tube digestif : un coin où on vient, on bouffe et on repart, non sans s'acquitter de 100 DA de «taxe» de stationnement imposée par des racketeurs de tous bords. Vers la métamorphose du site à partir d'une idée simple L'idée du wali, Miloud Cherifi -pour ne pas parler d'idée-force ou d'approche- est toute simple. Elle part d'un constat évident : ce périmètre est un «point noir» aussi bien d'un point de vue environnement urbain qu'en termes de structuration et d'aménagement urbains. Avec des effets forts désagréables sur l'aspect déplacement, transport et circulation. Pragmatique, le premier responsable de wilaya veut donc résorber ce point noir, l'éradiquer et non pas «négocier avec», par un phasage bien étudié et doucement exécuté. Au fur et à mesure que ce sous-secteur urbain se restructure, se réaménage, se réorganise, les effets nuisibles se disparaîtront systématiquement car liés par une relation de causalité tout à fait linéaire. L'objectif premier et immédiat de l'action du wali étant donc de remettre de l'ordre dans ce segment «Pêcherie-Sidi El-Houari», désordonné, disloqué, incohérent, voire livré à lui-même, et ce n'est qu'après, dans un deuxième temps, qu'interviendra la question du développement, au sens de l'investissement surtout, de cette zone. Force est de noter, pour l'objectivité d'abord, que l'actuel gouverneur d'Oran est en train de réussir là où les «précédents» ont échoué. Par «sous-estimation» du problème -car c'en est un à parler franc- et/ou par manque de volonté de secouer le cocotier de l'ordre établi, où les pouvoirs d'influence et les enjeux d'intérêts extra-administratifs ne sont plus un secret dans ce périmètre longtemps soumis à la seule logique commerciale privée. Mais aussi par manque de réalisme et de rationalisme, dans le sens où l'on ne cessait de rêver et de vendre, plus pour la consommation interne et externe que pour autre chose, le mégaprojet de la nouvelle Marina, alors qu'il suffisait de dépoussiérer, d'assainir et de mettre à jour la marina existante, celle appelée communément la Pêcherie. Au crédit de l'actuel wali, pour rester toujours dans l'objectivité, le fait qu'il a pu faire jusqu'ici peu, peut-être, mais concret et juste sûrement, avec pratiquement zéro sou de deniers publics, en jouant sur l'alternative investissement public-privé, alors qu'on disposait d'un bon matelas financier auparavant qui permettait d'investir dans ce projet. Commencer par démolir pour bien rebâtir Le fait est là : les travaux d'un plan d'aménagement de la Pêcherie ont bel et bien commencé et le coup d'envoi, qui ne pouvait être donné que par des coups de bulldozer dans l'ossature du vieux bâti, a été donné en fin de semaine, en présence d'un consistent dispositif de sécurité. C'est donc la pose des premiers jalons d'un espace de services qui sera sur les lieux dans le cadre d'un investissement public-privé, selon les déclarations du wali. En visite «préliminaire» au vieux quartier de Sidi El-Houari, le wali avait en effet indiqué que l'étude est en cours pour la création de cet espace regroupant des restaurants de poissons et des cafétérias et pouvant constituer une aire de repos et de détente au profit des familles. Des marches menant au fort Santa Cruz seront réalisées sur les hauteurs du mont Murdjadjo dans le cadre d'une opération à l'étude, dotée d'une enveloppe financière de 6 millions DA. Non loin de la poissonnerie d'Oran, un autre espace similaire sera réalisé après la démolition de quatre anciens bâtiments. Il regroupera des restaurants, des cafétérias et un parking de véhicules avec la réalisation de passerelles menant à la Place Kléber au cœur de Haï Sidi El-Houari, donnant une vue sur la frange maritime. Cet espace pourra prendre après l'achèvement de l'aménagement la dimension d'un pôle de détente des familles oranaises et des touristes, a souligné M. Chérifi. En inspectant le chemin menant au pont Zabana situé au prolongement de Front de mer, le wali a insisté sur l'intensification des actions de reboisement et de création d'espaces verts et le renforcement de l'éclairage public, en plus de l'installation de matériel sportif pour les jeunes. Mouloud Chérifi a aussi mis l'accent sur la reconversion d'un site, utilisé pour l'artillerie lourde par le colonisateur français pendant la Deuxième Guerre mondiale, en lieu de mémoire avec la réalisation d'une fresque symbolisant cette époque.