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Les ingrédients indispensables pour sauver le football algérien
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 06 - 12 - 2017

Depuis un certain temps, à travers les médias, nous suivons avec beaucoup d'attention les événements qui secouent le football algérien. L'intérêt que nous portons à notre pays ne nous permet pas de rester indifférents. Cet article n'a pas pour objectif d'inciter les responsables de notre pays à copier des modèles mais d'avoir des pistes de réflexion tout en intégrant des facteurs sociaux, culturels et économiques propres à notre pays. Cette contribution, j'espère, apportera des éléments de réflexions pour aider le football algérien de fonder les bases de la réussite.
Il existe un certain nombre de conditions fondamentales qui se conjuguent pour créer un environnement favorable au progrès du football. Je présenterai les principaux ingrédients indispensables pour sauver le football algérien.
1. Le football de masse : clubs amateurs et football de quartier
A l'évidence, il faut dire et répéter que la puissance et l'avenir du football algérien doivent reposer sur le football de masse (clubs amateurs et football de quartier). La Fédération algérienne de football (FAF), c'est, avant tout, des centaines de milliers d'adhérents : joueurs, dirigeants, éducateurs, entraîneurs, arbitres qui jouent ou participent bénévolement et qui sont porteurs de vraies ressources pour l'élite. Pour notre pays, le football de masse pour les jeunes doit être le moteur de production de milliers de jeunes talents. Nous pensons que les écoles de football doivent être obligatoires pour toutes les équipes sans exception (du petit club au club professionnel). Nous pensons que c'est une grande erreur de la part de nos instances fédérales de ne pas généraliser et obliger les écoles de football pour tous les clubs. Nous pensons qu'il faut aller plus loin dans la démarche permettant l'apprentissage du football chez les jeunes. Vu que notre pays souffre du manque d'infrastructures (stades), il faut relancer et encourager les championnats de quartiers dans les grandes villes pour les jeunes de 8 à 16 ans. On pense même que c'est indispensable pour notre pays. Il faut que le ministère, la fédération et surtout les clubs participent et aident l'organisation de ces championnats de quartiers durant toute l'année et pas seulement durant les vacances. Car, non seulement, ce championnat de quartier sera une source importante de détection de bons joueurs pour les centres de formation et pour les clubs, mais également, ce type de manifestations permettra d'éduquer et de préparer le futur bon citoyen.
2. Centre de formation : une formation efficace des jeunes
Il semble que l'on doive d'abord préciser qu'il s'agit de formation professionnelle, plus particulièrement de formation à des métiers demandant des compétences psychomotrices et socio-motrices. Un niveau de jeu et de compétitivité ne peut émerger sans prendre en considération une formation de joueurs programmée puis conduite et améliorée au fil des années. Nous insistons sur ce point, il faut que le ministère de la Jeunesse et des Sports et la Fédération algérienne de football protègent ces jeunes par des lois bien explicites. Les entraîneurs responsables de formation doivent avoir des diplômes spécifiques pour encadrer cette population, car il faut prendre en compte un ensemble de facteurs. Il ne suffit pas d'avoir des connaissances propres à l'activité de football, mais il faut maîtriser d'autres facteurs psychologiques et physiologiques qui peuvent intervenir durant les différentes étapes de croissance chez les jeunes (enfants, adolescents et jeunes adultes). De plus, le travail de l'encadrement technique doit être surveillé par l'encadrement médical permettant de suivre la progression de ces joueurs. Les instances responsables de notre pays doivent être intransigeantes par rapport à ces points, car on peut mettre la vie des jeunes en danger.
Un budget spécifique doit être alloué à la formation des jeunes quel que soit le niveau des équipes. Les pouvoirs publics et la fédération doivent imposer aux clubs de débloquer des sommes spécifiques à la formation. Ce budget doit être calculé en fonction du niveau des équipes de jeunes, du nombre de licenciés, du niveau de championnat auquel ils participent, du nombre d'éducateurs et des frais de déplacement et d'arbitrage. Imposer un budget spécifique pour la formation des jeunes est la seule solution obligeant les clubs à faire de la formation. La fédération, en collaboration avec les ligues régionales, peut mettre en place un organisme de suivi qui permet de donner à la fin de chaque saison une note à chaque club formateur. Exemples : les bonnes écoles peuvent avoir des subventions plus importantes pour démarrer la saison suivante; elles peuvent être exonérées des frais d'engagement, etc. Ces bonus et ces encouragements permettent de dynamiser les clubs et les responsables pour faire du bon travail. Par contre, cette commission doit mettre en place une grille d'évaluation objective et claire des critères à évaluer. Cette grille doit être le fil conducteur permettant aux différents acteurs (dirigeants et éducateurs) de se situer par rapport aux exigences des bons centres de formation.
3. Les programmes de formation d'entraîneurs, des éducateurs hautement qualifiés
Le visage du football est en train de changer à grande vitesse : les sciences et les technologies ont accéléré cette nouvelle mutation. Si nous voulons que notre pays soit compétitif sur le plan international, nous devons créer les conditions du progrès. Pour réussir, dans le football d'aujourd'hui, un pays doit investir dans les programmes de formation des entraîneurs, des formateurs, des éducateurs et des animateurs de quartier. Nous insistons sur l'importance de former des compétences. Pour cela, il faut des formations de très haut niveau et sur des durées importantes (5 à 8 ans).
Le choix des entraîneurs et éducateurs pour diriger une équipe doit se baser sur leurs diplômes et leurs compétences, leurs idées et leurs projets. Ces entraîneurs et éducateurs doivent apporter des éléments nouveaux permettant de sortir cette discipline de la crise et de tracer un avenir plus propice au football algérien.
Messieurs les présidents, dans vos choix des entraîneurs et des éducateurs, ne confondez pas "savoir-faire" (en tant qu'ancien bon joueur) et "savoir transmettre" (en tant que formateur, entraîneur et/ou sélectionneur). Si le premier se base sur l'expertise d'exécution et la transmission du savoir-faire personnel, en revanche, le deuxième est plus complexe, demandant la compréhension et la maîtrise de trois logiques en interactions : l'activité elle-même (football : ses règles et ses contraintes), le fonctionnement du groupe (équipe sur le plan socio-psycho-moteur favorisant : l'automatisation et la motivation) et le fonctionnement de l'acteur (joueur sur les plans : cognitif, moteur, physiologique).
4. Les ressources humaines : la force et la roue motrice de la nation
Ce sont les élites et les compétences algériennes (les résidents et la diaspora), dans tous les domaines (techniciens, gestionnaires, administrateurs, juristes, économistes et chercheurs) qui provoquent, initient, conduisent et assurent les progrès dans toutes les activités permettant de promouvoir le football en particulier et le sport en général. Toutes les grandes nations veillent donc à la formation et à la promotion de leurs élites. La politique inverse est suicidaire pour le football et pour la nation en général.
Nous suggérons des groupes de travail composés de toutes les forces vives de notre football (techniciens, dirigeants, politiques, économistes et chercheurs) qui doivent effectuer un état des lieux objectif de cette discipline et du sport en général. Ces groupes de travail doivent avoir comme but de recueillir les informations et les idées, puis de les ordonner pour dégager les grandes lignes directrices.
Voici donc quelques pistes à prendre en compte : (I) le fonctionnement fédéral, (II) la formation et la reconversion des joueurs, (III) le haut niveau et le football de masse, (IV) le contrôle économique des clubs, (V) l'éthique sportive, (VI) la violence dans les stades, (VII) les moyens de communication et rôle des médias, (VIII) les lois qui régissent les différentes instances, (IX) la formation des cadres, (X) la protection des techniciens et des arbitres, (XI) les infrastructures, (XII) l'organisation des championnats des différentes catégories, etc.
Je conclue cette contribution par une citation : " Il n'y a pas de vent favorable pour celui qui ne sait pas où il va ", disait Sénèque.
*Expert en football de haut niveau. Professeur à l'université de Valenciennes (France). Président de l'International Society for Sports Sciences in the Arab World (I3SAW).


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