Vladimir Poutine, réélu il y a deux semaines pour la quatrième fois président de Russie, est-il allé trop loin, cette fois-ci, avec l'affaire de l'ex-agent double Sergueï Skripal ? Londres a décidé de rouvrir le dossier de 14 assassinats suspects sur son sol depuis 2000, dont l'oligarque Boris Berezovski. Il n'y a aucun doute que l'affaire Skripal a ranimé une vieille tension entre Russes et Occidentaux que la fin de la guerre froide avait donné l'illusion d'un enterrement définitif. Le présumé empoisonnement de l'ancien agent double Skripal par la Russie, selon les accusations de Londres, ressemble à plusieurs affaires d'assassinat d'opposants russes réfugiés à Londres, dont celle de l'ex-agent Litvinenko empoisonné en 2006 au polonium 210 et, il y a juste une semaine, le 22 mars dernier, de l'ancien patron d'Aeroflot, réfugié à Londres, Nikolai Glushkov. Si Moscou a récusé les accusations britanniques, en particulier dans cette sombre affaire Skripal, à l'Ouest il ne fait plus aucun doute que le maître du Kremlin fait peser une réelle menace sur leur sécurité. La réaction du chef de l'OTAN, qui s'est jointe à la décision de l'UE, de Londres, des Etats-Unis notamment, d'expulser des diplomates russes, montre que les Occidentaux ont soudain peur de la Russie et de la menace supposée qu'elle représente sur leur sécurité. Une nouvelle guerre froide est en train de prendre forme et 'un tournant'' dans les relations avec la Russie. L'OTAN est ainsi retournée dans la vieille époque de la guerre froide, avec cette sentence de son chef, Jens Stoltenberg, qui exprime les inquiétudes des pays occidentaux pour leur sécurité. 'Notre décision reflète les graves préoccupations exprimées par les alliés pour leur sécurité'', lâche le chef de l'OTAN, car c'est la première fois qu'un agent neurotoxique datant de l'ère soviétique, le Novitchok, est utilisé sur le territoire d'un pays membre de l'alliance. Et, au-delà de ces coups de boutoir, bien fragiles, contre un puissant pays qui possède autant sinon plus d'arguments sur le plan militaire pour imposer un fragile équilibre aux forces de l'OTAN, c'est toute la sécurité des pays occidentaux et la reconfiguration des rapports de force dans le monde que renferment 'les comportements irresponsables'' de la Russie, selon la formule du chef de l'OTAN. Avec une nouvelle forme, plus politique, plus insidieuse avec les NTIC, une autre arme fatale, même si les méthodes utilisées des 'hommes de l'ombre'' restent les mêmes. Car si les pays occidentaux, Etats-Unis en tête, travaillent toujours comme au bon vieux temps de la guerre froide dans le domaine de l'intelligence et l'espionnage, notamment économique mais militaire surtout, c'est bien d'une crise entre services spéciaux qu'il s'agit, peut-être plus que tout ce qui a été dit jusque-là. Le nombre ahurissant de diplomates devant être expulsés des deux côtés donne assez d'arguments pour tous les 'peace and love'' de la planète pour penser que la fin de la guerre froide n'est qu'une illusion, une fumisterie politico-militaire de plus dans les bagages de tous ceux qui, réellement, menacent la paix et la sécurité dans le monde. A commencer par les pays qui accusent Moscou d'être le Léviathan des temps modernes. Au-delà, il y a aussi et surtout cette désespérante sensation que les pays possédant l'arme nucléaire, l'argent et les technologies de pointe n'ont guère grandi depuis la chute du mur de Berlin.