«Ce ne sont pas les migrants qui nous font peur, mais on a peur de ceux qui les instrumentalisent». C'est ce qu'a souligné, jeudi dernier, le chargé de la gestion des crises et de la migration au niveau du ministère de l'Intérieur et des Collectivités locales, M.Kacimi Hacène, lors d'une conférence de presse tenue au département de Noureddine Bedoui. Répondant ainsi aux critiques émanant des ONG de défense des droits de l'Homme et de certains milieux, le conférencier s'est étalé dans son intervention devant les journalistes pour affirmer que notre pays ne fait pas face à des vagues d'immigration clandestine mais plutôt à «des déplacements de populations» et parfois à des déplacements «de plusieurs ethnies à la fois». Il dira qu'il y a des données qui nous poussent à réfléchir, en citant le cas de la commune de Bordj El Haouas de la wilaya d'Illizi, où le nombre des migrants nigériens a dépassé le nombre global de la population de cette commune «7 000 Nigériens contre 6 000 Algériens». Et d'enchaîner «vous pouvez imaginer la suite», dit-il. Et de souligner que l'Algérie fait face, chaque jour, à 500 tentatives d'entrées illégales sur le territoire national aux frontières sud du pays. Ce chiffre est appelé à doubler voire tripler dans les années à venir, dira-t-il, en précisant que 700 000 Maliens veulent ainsi fuir leur pays et 800 000 Libyens sont déjà bloqués près des frontières, «une hypothèse tout à fait réalisable, si les Etats de la région n'œuvrent pas pour trouver des solutions durables, notamment des solutions de paix dans ces pays». Il précise que ce n'est pas les migrants qui font peur, mais «c'est les 7 000 passeurs de la porte d'Agadez, au Niger, qui sont financés par l'Union européenne, dont la mission principale est de transporter les migrants vers les pays voisins dont l'Algérie, qui pose problème». Il poursuit «ce réseau de passeurs qui est financé à hauteur de 140 millions d'euros par mois, cherchera sans doute à fructifier son argent en le recyclant dans la contrebande, le trafic de drogue ou le terrorisme, et les candidats de l'immigration peuvent facilement tomber dans le piège». Et d'enchaîner «comme ils peuvent bien se transformer en groupes armés pour protéger leurs revenus». Pour le Mali, le conférencier a tenu à souligner que «Bamako est la capitale du trafic de documents, d'identité, de passeports et autres». La majorité des migrants préfèrent cet axe justement pour pénétrer sur le sol algérien avec des fausses identités, dit-il. «Nous avons arrêté un migrant qui avait 12 identités», et d'autres n'ayant aucune ! Ce genre de problèmes n'est pas du tout facile à gérer, sachant qu'on est déjà entouré de zones de grandes turbulences, avec la présence des puissances étrangères, sans parler autant des enjeux géostratégiques. Or l'Algérie n'a aucun intérêt dans ces régions. M. Kacimi a affirmé que même si l'Algérie défend sa souveraineté et son intégrité territoriale, «ce qui est légitime», elle veille aussi au volet humanitaire dans le traitement de la question des migrants. Il dira en outre «ce qui nous fait peur aussi, ce sont les réseaux de trafic humain, il y avait un réseau nigérien qui utilisait des femmes et des enfants dans la mendicité, «on est arrivé à sauver 14 000 femmes et enfants qui étaient à la merci de ce réseau». Selon le conférencier, pas moins de 56 000 Subsahariens ont été condamnés par la justice algérienne durant les cinq dernières années. Il affirme dans les détails que 30 000 parmi les personnes condamnées sont des Maliens, 20 000 autres Nigériens et 6 000 sans identité et sans nationalité. Sans parler autant de la menace des Djihadistes qui voulaient s'implanter en Algérie. Il rappelle le groupe de 19 djihadistes du Mali qui avec des fausses identités a pu pénétrer dans la wilaya de Ghardaïa en 2017. Et c'est grâce à la vigilance de l'armée algérienne qu'ils ont pu être interceptés. «Nous ne sommes pas des Nazis» Certains milieux disent que les migrants en Algérie sont maltraités, d'autres utilisent des termes durs, «la déportation des migrants en Algérie», d'autres emploient des termes «rafle des migrants». Des propos mal appréciés par le conférencier les qualifiant de «surréalistes». Et de répondre avec une certaine intransigeance que «nous ne sommes pas des Nazis». «Nous avons effacé les dettes de 14 pays africains sans contrepartie, ce n'est pas de l'humanisme ?», s'interroge-t-il. En ajoutant, «nous avons aussi envoyé des médicaments d'une valeur de 5 milliards de centimes à l'Est de la Mauritanie, comme aide d'urgence au camp de M'Berra, qui est rempli de dizaines de milliers de réfugiés». Et de souligner que l'Algérie avait envoyé 20 caravanes d'aides humanitaires entre 2012 et 2018 vers le Mali et le Niger, «ce n'est pas de l'humanitaire ?», poursuit-il. Et pour ceux qui disent sans connaitre les lieux que le centre d'accueil de migrants de Tamanrasset est une prison, les responsables du ministère de l'Intérieur «les invitent à visiter les lieux pour voir de visu les conditions de prise en charge des migrants». M. Kacimi affirmé que l'Algérie a consenti 20 millions de dollars pour prendre en charge les migrants durant ces trois dernières années, «il y a un autre dossier financier qui est en préparation». Il a affirmé que l'Algérie a ouvert des centres d'accueil dans chaque wilaya du pays. Le conférencier affirmé que si «les 26 pays de l'Europe qui ont le meilleur PIB du monde s'entraident pour prendre en charge les migrants, l'Algérie qui se trouve aujourd'hui en difficulté financière, prend en charge seule les migrants. Et d'affirmer que «si 10 000 migrants ont trouvé la mort en Europe, l'Algérie n'a enregistré aucun mort parmi les migrants». Gratuité des soins pour les migrants Le chargé de l'immigration, M.Kacimi a affirmé qu'humainement l'Algérie fait son devoir «sans l'écrire sur les toits». Il dira qu'en 2017, une cinquantaine de cas de paludisme chez les migrants ont été traités gratuitement dans les structures publiques en Algérie. Et ajoute que même ceux qui ont refusé de séjourner à l'hôpital, ils ont eu leurs médicaments en ambulatoire gratuitement. Il est également précisé que 37% des prestations et services de soins de l'hôpital de Tamanrasset sont au bénéfice des migrants subsahariens et de l'Afrique occidentale et ce gratuitement». Le conférencier a également cité la campagne de vaccination contre la rougeole qui a concerné tous les Maliens au niveau de Tin Zaouatine une commune de la wilaya de Tamanrasset située à la frontière avec le Mali. La santé des migrants en Algérie est parmi les préoccupations des pouvoirs publics. Les deux départements à savoir ceux de la Santé et de l'Intérieur sont en train de constituer un dossier pour recenser les problèmes de santé et leur prise en charge chez les migrants subsahariens en Algérie, de 2016 à 2018, wilaya par wilaya. Un recensement ou une étude qui permettra à l'Algérie d'analyser cette situation, pour mieux cerner le problème de santé chez les migrants.