Introduite comme option de modernisation et de performance du service de la santé, visant également un contrôle plus rigoureux des dépenses de la sécurité sociale, la carte Chifa semble avoir perdu en cours de route ses lettres de noblesse avec la découverte d'une vaste utilisation frauduleuse de ses services. Ainsi, 20.000 cartes Chifa sont gelées (un chiffre qui peut aller crescendo) et leurs détenteurs priés de rembourser des sommes énormes de médicaments qu'ils n'ont jamais pris, soutiennent-ils, chez les pharmaciens conventionnés qui, eux, de leur côté, ont bien introduit des états de remboursement de médicaments servis suite à la présentation des cartes Chifa en question. Un véritable labyrinthe par lequel on a fait tourner des milliards de centimes (le préjudice pour la seule agence Cnas d'Alger se chiffre à 10 milliards de centimes). Une grave saignée pour la Cnas qui s'est réveillée ces derniers temps en organisant des journées d'information et de sensibilisation au sujet de l'utilisation de la carte Chifa, exclusivement par le bénéficiaire, dont la responsabilité est entièrement engagée en cas d'utilisation frauduleuse. Mais inévitablement, peut-être, la Cnas a touché par ricochet, à travers cette campagne, les pharmaciens, dont certains ont été accusés d'avoir utilisé frauduleusement les cartes Chifa des assurés sociaux pour vendre des médicaments à des clients qui ne bénéficiaient pas de ses avantages. Il n'en fallait pas plus pour faire monter au créneau le Snapo, qui exprime dans un communiqué sa profonde déception de la tournure des évènements. «Le Snapo a malheureusement noté que certaines déclarations portent préjudice à l'image du pharmacien et de la profession», déplorent les termes du communiqué en question. Rappelons que des responsables de la Cnas ont mis en cause des pharmaciens dans ce trafic à la carte Chifa, expliquant que certains assurés sociaux laissent leurs cartes Chifa chez le pharmacien, et que ce dernier l'exploite à leur insu pour vendre des médicaments à d'autres personnes en les inscrivant, bien sûr, sur la fiche du détenteur de la carte. Avec amertume, le Snapo rappelle que «plus de 11.000 pharmaciens sont conventionnés avec la Cnas et la Casnos, et que c'est grâce à leurs efforts et à leur engagement que plus de 39 millions d'Algériens bénéficient du tiers payant et de leurs médicaments, dont les malades chroniques, retraités et leurs ayants droit». Aussi, le Snapo n'a pas manqué d'expliquer pourquoi l'assuré social laisse-t-il sa carte Chifa chez le pharmacien, relevant dans ce sens que «face à la pénurie des médicaments, et face aux revenus financiers insuffisants de la majorité des assurés sociaux, qui, souvent, sont dans l'incapacité de s'acquitter des frais engendrés par le tiers payant, le tarif de référence, le paiement des 20% du taux d'assurance non pris en charge par la sécurité sociale, ou le paiement des médicaments non remboursables, le citoyen prie le pharmacien de lui remettre l'intégralité de ses médicaments tout en lui confiant sa carte Chifa en attendant qu'il procède au paiement de ses dettes». Dans son communiqué, le Snapo relève également que «le pharmacien n'est pas le seul intervenant dans le système du tiers payant et les cas de fraude des professionnels de santé restent extrêmement limités, et s'il en existe, les pharmaciens d'officine ainsi que leur syndicat, le Snapo, s'en disculpent et s'en désolidarisent», tout en appelant les pharmaciens algériens à continuer à exercer dans la dignité et le respect de la réglementation. Le Snapo considère ou fait considérer que «l'assuré social reste l'unique responsable de l'usage de sa carte Chifa». Contacté par nos soins à propos de ce développement malheureux autour de l'utilisation frauduleuse de la carte Chifa, ainsi que les accusations lancées par la Cnas, le président par intérim du Snapo, Mourad Chabounia, estime que le réquisitoire contre les pharmaciens risque de «casser» la relation de confiance entre l'assuré et le pharmacien. «Nous rappelons qu'une relation de confiance bien ancrée entre le malade (assuré) et le pharmacien risque d'être rompue et c'est tout le système tiers payant qui risque d'être remis en cause et aussi le système de santé. Le pharmacien d'officine a contribué à la réussite du système tiers payant en participant à l'instauration du tarif de référence, à la promotion du médicament générique et à la généralisation du tiers payant. Tout ça grâce à cette confiance», a conclu notre interlocuteur. Laissant entendre en filigrane que cet édifice peut s'écrouler à l'ombre de cette «affaire» de fraude à la carte Chifa.