Le blocage, depuis deux semaines, des activités de la chambre basse du Parlement, l'Assemblée nationale, cristallise parfaitement cette crise de gouvernance que les observateurs politiques prévoyaient depuis un moment. Le bras de fer entre le président de l'APN, Saïd Bouhadja, et les chefs d'état-major de partis de la majorité parlementaire montre bien qu'il y a une crise institutionnelle, doublée d'une crise de gouvernance au sein des grandes institutions nationales. Poussé à la démission par les SG du FLN et du RND, Saïd Bouhadja fait plus que de la résistance et met à nu les velléités des partis de la majorité de s'emparer sinon du perchoir, du moins en changer la configuration. Cependant, en cautionnant cette révolte des députés des partis de la majorité parlementaire, les SG du FLN et du RND, surtout, qui a clairement invité Bouhadja à «partir», mettent encore plus à mal le fonctionnement des institutions du pays, dont l'APN. Certes, celle-ci a de tout temps été une simple chambre d'enregistrement, ayant à plusieurs reprises voté des «lois scélérates» selon l'opposition, et donc la signature ou l'approbation de lois, dont la LF2019, ne serait pas un problème insurmontable. Par contre, la crise à l'APN donne cette fâcheuse image d'une institution parlementaire qui est loin d'être «indépendante» et que la séparation des pouvoirs reste encore un combat à remporter, un objectif encore impossible. Sinon, pourquoi le chef du RND, qui est également le Premier ministre, appelle à la démission du président du Parlement quand lui-même n'a pas encore rendu public son bilan économique ? Celui qu'il a mis en place à son retour à la tête du gouvernement en août 2017, approuvé et soutenu par cette même Assemblée nationale, qu'il veut aujourd'hui déstabiliser en exigeant la «tête» de son président. Jusqu'à provoquer une révolte inédite qui cache mal des objectifs à contrecourant de tous les appels et les efforts du président Bouteflika pour la stabilité des institutions du pays, une stabilité politique garante et essentielle pour la mise en place de réformes économiques et sociales que tous les analystes appellent de leurs vœux. Or, le «coup de Jarnac» à l'APN, qui dure plus qu'il n'en faut et très dommageable pour la stabilité politique et des institutions républicaines, jette une ombre au tableau idyllique que les partis de l'alliance présidentielle veulent donner de leur gestion des affaires de la nation. D'abord, le Premier ministre et SG de la seconde formation politique du pays, dont les députés ne pouvaient s'engager dans cette fantasque bataille contre le président de l'APN sans sa caution, appelle à des réformes économiques sans donner le bilan d'une année de gouvernance à la tête du gouvernement. Il a mis en œuvre la délicate politique du recours au financement non conventionnel pour financer l'économie nationale, restreint les importations, bloqué les recrutements et les hausses de salaires et réduit les investissements publics, donc de la commande publique. Au final, les déficits restent encore importants, les réserves de change ont fondu à moins de 90 milliards de dollars et la croissance n'est pas encore au rendez-vous. A moins de vouloir occulter l'état inquiétant de l'économie nationale en allant guerroyer contre un «Don Quichotte» imaginaire qui squatterait l'APN, le Premier ministre est toujours attendu pour rendre public le bilan économique d'une année de gouvernance, à sept mois de la prochaine élection présidentielle.