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Le peuple peut-il être un héros ?
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 29 - 11 - 2018

Qui n'a pas déjà croisé cette photo datant vraisemblablement de l'époque post-guerre de libération: des personnes ordinaires, notamment une femme en hayek, passant devant un mur où est inscrite cette phrase: «Un seul héros, le peuple»?
De la même manière que le peuple est considéré le héros de la guerre de libération, c'est aujourd'hui le peuple qu'on accuse de lâcheté, de manquer de dignité, d'être le héros en décadence.
Mais peut-on reconnaître au peuple des vertus d'héroïsme ou des défauts comme la lâcheté? C'est à cette question que nous tenterons de répondre par cet article.
Qui est ce peuple dans tout le monde parle?
Certains répondront qu'il est composé de toutes les personnes détentrices de la nationalité algérienne, ou encore des indigènes musulmans à l'époque coloniale. Mais cette définition est facilement troublée par les faits.
Si le peuple est le héros de la guerre de libération, où classer les harkis1 et tous les autres indigènes musulmans qui ont refusé de rejoindre les rangs de l'ALN, lui préférant parfois d'autres organisations ou ne se sentant pas concernés parla guerre?
Où classer les terroristes lorsque le démocrate algérien répète à l'envi que le peuple a lutté contre le terrorisme pendant les années 90? Ces terroristes ne font-ils pas partie du peuple, eux qui font pour la plupart partie des quartiers populaires?
Sur un plan plus politique, nous entendons souvent dire que la victoire du peuple contre le terrorisme a été confisquée par le pouvoir, le même pouvoir indique que la Charte pour la paix et la réconciliation nationale est une expression de la volonté souveraine du «peuple algérien»2.
Certains rétorqueront que le peuple renvoie à»la majorité» des Algériens mais là encore les faits viennent déranger cette définition.
Est-ce une majorité des indigènes musulmans qui a décidé de tenir le Congrès de la Soummam? Est-ce que cette majorité a pris le maquis?
Pendant la décennie noire, la majorité était certainement contre les actes terroristes mais est-ce qu'une majorité du peuple avait pris les armes contre eux? Et puis, quand le FIS appelait à l'insurrection en 1992, ne défendait-ille choix du peuple puisqu'il défendait le choix de la majorité qui l'avait élu?
Des adversaires politiques peuvent se référer au même moment au peuple, en s'excluant mutuellement. Mais qu'est ce qui est si attractif dans cette notion?
Le peuple: entité mythifiée
Il y a évidemment la référence «intéressée» au peuple, c'est-à-dire l'utilisation de cette notion comme moyen pour mobiliser les foules mais nous pensons que cette référence est surtout utilisée naïvement, c'est-à-dire qu'en en usant, le politique pense vraiment qu'il parle d'une entité bien identifiée.
Lorsque le démocrate affirme que le peuple a combattu le terrorisme, il exclut du terme nos concitoyens terroristes; est à l'œuvre ici une idée bien simple: celui qui est contre moi, à fortiori lorsque je le juge sauvage,est forcément autre chose que le peuple.
Le peuple ne peut être terni par des personnes qui portent un projet politique opposé au nôtre, le peuple ne peut être indifférent. Le peuple est une entité mythifiée, qui doit nous renvoyer l'image du bien, de nous-mêmes. Nous sommes les gentils, le peuple est gentil, alors nous sommes le peuple et le peuple c'est nous.
Cette mythification de l'entité «peuple» s'est également immiscée dans l'esprit des gens ordinaires3.Dire que ce que nous faisons c'est le peuple qui le veut, qui le fait, et voilà l'individu effrayé par la solitude qui s'empresse de s'approprier les vues du peuple…En réalité de celui qui parle en son nom.
Le peuple: absorption par le politique de la vie ordinaire
Venons-en maintenant au rapport avec «les personnes ordinaires», nos concitoyens qui n'ont pas de camp politique clair, ou qui n'en ont vraiment aucun.
Nous avons souvent entendu dire que les personnes qui ont continué à travailler, à étudier; que les femmes qui ont continué à sortir sans voile; que tous les gens qui ont continué à vivre pendant la décennie noire, ont en fait résisté au terrorisme.
Cette déduction est fausse.
Evidemment que le fait de sortir, aller à l'école, travailler en temps de guerre produit des conséquences politiques mais les conséquences d'un acte ne peuvent créer par effet rétroactif l'engagement politique.
Il y a l'idée chez les militants politiques que les gens dirigent leurs actions, comme eux, pour la réalisation d'un projet politique. Le politique projette sur la vie ordinaire ses vues politiques qui sont, elles, extraordinaires.
Et c'est ainsi que c'est»le peuple» qui a chassé la France, quid des indigènes musulmans «apolitiques»? Même les femmes portaient le hayek pour marquer les limites entre la société colonisée et le colonisateur4…. Difficile de se dire qu'elles le portaient par simple obligation sociale lorsque tout est analysé à travers un prisme politique.
Plus le projet politique est important et polarisant, plus les actes ordinaires seront convertis en actions politiques.
La séparation des sphères politiques et ordinaires
Pourquoi disons-nous tout cela? Pourquoi tentons-nous de déconstruire ces appels au peuple dans le discours politique?
Nous le faisons parce que nous pensons fortement que la référence au peuple affaiblit les deux sphères ordinaire et politique qui n'atteindront selon nous leur plein potentiel que si nous admettons que leur force réside dans les caractéristiques propres à chacune.
L'activité politique
La politique est souvent réduite à une activité de représentation des citoyens dans les sphères institutionnelles alors que la représentation n'est que la phase avancée de l'activité politique. Cette dernière consiste avant tout à promouvoir des idées originales, c'est-à-dire d'idées que la majorité des citoyens n'auraient pas encore explorées. Il s'agit de parler «à» avant de parler «au nom de».
Mais pour «parler à» faut-il encore avoir quelque chose à dire sur un sujet qui concerne le collectif. Ainsi, l'action politique se déploie lorsqu'une personne «fabrique» le problème politique. Il ne s'agit pas de l'inventer mais, en partant d'éléments existants5, convaincre les citoyens qu'il y a problème collectif auquel il faudra apporter une solution politique.
La politique peut être définie comme une activité du «général», elle organise la vie des individus ensemble. L'individu, en tant qu'être unique, n'est concerné que dans la mesure où ce Collectif est constitué par plusieurs personnes comme lui6 et surtout parce qu'il peut être touché directement par les répercussions d'une décision politique.
Toute cette démarche nécessite un certain recul. Ainsi, l'homme politique est en réalité un homme qui se met «en dehors» de ce qu'il appelle le peuple (le Collectif). Même s'il en fait partie à la base, faire de la politique c'est s'extraire du peuple, car seule une prise de recul permet la réflexion et la proposition.
La vie ordinaire
Comme indiqué plus haut, il semble que plus le problème politique est important (colonisation, guerre civile), plus tout acte de l'homme ordinaire est converti en action politique car bien sûr, sans ces personnes, très nombreuses, comment parler de peuple? Comment, dans des moments de crises politiques ne pas tout penser en termes politiques?
Effectivement difficile.
L'une des premières étapespeut-être pour sortir du mythe consiste à reconnaître quelque chose de très simple et très dissimulé: plus que toute conviction politique, plus que tout combat utopique, il y a quelque chose dans la personne ordinaire qui l'incite à continuer de vivre malgré le chaos qui peut régner autour d'elle. Continuer à vivre peut être effectivement vu comme est une manière de lutter (des faibles?)mais ce qui propulse les personnes ce n'est pas forcément les grandes idées abstraites de nationalité et de liberté, mais c'est juste la vie dans ce qu'elle a de plus simple.
Peu de personnes songent à la puissance de la vie dans les moments les plus difficiles: misères, guerre, catastrophes naturelles etc. Nous pensons à chaque fois que l'homme ne peut dans ces conditions se réveiller et aller travailler, ou boire un café, ou aimer sans s'accrocher à «une grande idée» mais la puissance de cet homme réside justement dans le fait que la vie a ses raisons que la politique ignorera toujours. En dehors de la réflexion froide, de la Cité, hors des idéologies et des partis politiques, il y a l'homme ordinaire qui avance, la plupart du temps sans but bien défini, c'est le flot de la vie qui le porte!
Sa puissance réside dans cette incapacité à sonder ce qui exactement motive ses pas banals, c'est contre ces pas que buteront toujours les calculs politiques, principalement totalitaires.
Conclusion
Après avoir été héroïque, «le peuple» est désormais vu comme lâche. Il ne réagit pas devant les crises politiques du pays. Le peuple ne sort pas dans la rue, ne manifeste pas, il se laisse faire.
Mais voilà: le peuple «politisé» n'existe pas.
La responsabilité politique revient à une poignée de personnes dont l'action ne peut se faire au nom de ce qu'on appelle le peuple, elle est par essence dirigée en dehors du Collectif, même parfois contre lui7. L'aspect extraordinaire de l'activité politique est cette prise de recul, cette prise de risque, le fait d'engager des actions qui peuvent avoir des répercussions sur des personnes qui n'ont absolument rien demand酅.Nous paierons ce risque même lorsque nous agissons de bonne foi.
Cet aspect extraordinaire est complètement désavoué lorsque nous n'assumons pas des positions de fond (nos idées propres même minoritaires)mais que nous préférons nous cacher derrière des arguments de forme (nous représentons le peuple).
A côté de cela, l'aspect extraordinaire de la vie ordinaire est qu'elle est en dehors de tout cela! Elle se déroule en dehors des grandes idées abstraites, elle est cernée par de petites considérations tellement importantes pour les individus. C'est dans la vie ordinaire que beaucoup de questions importantes se jouent, que nous pouvons explorer notre liberté qui est le propre des individus; liberté malheureusement réduite àl'indépendance et aux élections.
Le politique devrait assumer qu'il est en dehors de la sphère ordinaire en arrêtant de faire appel à une entité imaginaire qui lui aurait délégué le droit de parler en son nom. La grandeur de son action réside justement dans la solitude et l'originalité de son initiative. S'il y a un héros identifié ça sera lui, et s'il y a lâcheté il devra aussi l'assumer tout seul.
Notes :
1- Le nombre de personnes considérés comme harkis atteint les 450.000 personnes selon Pierre DAUM dans «Le dernier tabou, les harkis».
2- V. article 1er et 27de l'Ordonnance 06-01 du 27 février 2006 portant mise en œuvre de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale
3- Par le fait des politiques parfois, mais également du discours de personnes publiques qui ne questionnent pas le sens des mots.
4- V. F. Fanon à ce propos dans son livre «L'an V de la révolution algérienne».
5- L'existence de ces éléments ne veut pas dire qu'il y a forcément un sujet politique.
6- La question de libertés individuelles est traitée en politique pour assurer ce divorce entre le politique (collectif) et l'individuel.
7- Les politiques progressistes par exemple ont trè s rarement l'assentiment du peuple.


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