Avec son sang-froid ordinaire, le chef du gouvernement Ahmed Ouyahia, a commenté avec «un discours modéré» et avec «des termes bien soignés», les manifestations hostiles au cinquième mandat, du 22 février dernier, à travers plusieurs wilayas du pays. Lors de la présentation, hier, de la déclaration de politique générale devant les députés de l'Assemblée populaire nationale (APN), Ahmed Ouyahia, a précisé que « le peuple algérien a le droit d'exprimer son avis et la constitution lui garantit le droit à la manifestation et aux rassemblements pacifiques, dans le cadre de la loi ». Et d'enchaîner «Dieu merci, ces marches qui ont drainé un nombre important de contestataires à travers certaines villes du pays étaient pacifiques». Mais, précise-t-il «nous appelons tous nos citoyens à plus de vigilance par le fait que ces appels à la manifestation sont anonymes et on en ignore la source». Et de préciser qu'aujourd'hui, ces appels sont pour des manifestations pacifiques mais demain, il se pourrait qu'il y ait des appels d'un autre genre, craint-il. «L'autre raison, précise Ouyahia, qui nous pousse à sensibiliser nos citoyens est le risque de dérapage et de débordement lors des manifestations», en citant à titre d'exemple les appels anonymes appelant à l'implication des lycéens dans les manifestations (des appels sur les réseaux sociaux appelant les étudiants et les lycéens à des manifestations, pour aujourd'hui, 26 février). Le Premier ministre n'a pas manqué, en outre, de saluer le professionnalisme des forces de l'ordre dans la gestion pacifique de l'ordre public. Au-delà de la forme de ces mouvements de protestation, le ministre a répondu dans le fond aux revendications ou plutôt les messages qu'ont voulu transmettre les protestataires aux plus hautes autorités du pays, notamment ceux relatifs aux élections. Sans dire que les manifestants s'opposent au cinquième mandat, Ahmed Ouyahia a précisé que les revendications ayant trait à l'élection présidentielle, seront résolues dans moins de deux mois. «Ce sera, donc, l'occasion pour les citoyens d'élire avec une liberté absolue et avec souveraineté le candidat de leur choix». Et d'ajouter « chacun d'entre nous a le droit de défendre un candidat et d'être contre un autre, mais le dernier mot revient, en finalité, aux urnes, pacifiquement». Pour ce qui est des exigences de changement réclamées par les manifestants, la réponse, précise Ahmed Ouyahia, est «dans la Conférence nationale inclusive décidée par le président de la République». «Cette conférence de consensus nationale est unique au monde », dit-il. Et de rappeler que cette conférence est ouverte à tout le monde, sans exclure aucune partie, y compris une délégation représentants les jeunes. Et de souligner que tout sera débattu au sein de cette conférence y compris un amendement radical de la constitution, à l'exception des constantes nationales». Il ferme la parenthèse pour affirmer «que nous sommes tous les enfants de l'Algérie, certains ont le statut de gestionnaire de l'Etat et d'autres le statut de citoyen, on peut se mettre d'accord et on peut bien être en désaccord, mais on restera tous les enfants de l'Algérie». «L'Algérie, ajoute le Premier ministre, a connu la tragédie, a connu des larmes, elle a le droit, aujourd'hui, avec son peuple de vivre en paix». Il revient pour dire «que nous sommes un pays démocratique, et un pays qui donne le droit aux manifestations pacifiques. Inchallah, les avis seront exprimés, pacifiquement et la démocratie algérienne sera la gagnante en finalité». Il faut souligner que le Premier ministre a été accueilli, dans le hall de l'APN, par les députés du FFS, brandissant des pancartes sur lesquelles on pouvait lire «des protestations pacifiques». Comme il a été accueilli par les applaudissements au sein de l'hémicycle, particulièrement, par les députés de son parti (RND). Les manifestations du 22 février ont bouleversé l'ordre des choses Le député du Parti des travailleurs (PT) Ramdane-Youssef Tazibt, a affirmé que la déclaration de politique générale est venue en retard, en soulignant que le gouvernement l'a programmée, ces jours-ci, pour entamer la pré-campagne électorale au profit du candidat de l'alliance, le président de la République Abdelaziz Bouteflika. Mais, dit-il, les manifestations du 22 février dernier, sont venues inverser la donne et bouleverser, de ce fait, l'ordre. Et de souligner «si l'élection présidentielle est la goutte qui fait déborder le verre, il faut savoir que ces manifestations sont les résultats directs de l'injustice, la hogra', le chômage et la précarité, les politiques sauvages d'austérité et le malaise social et politique», en concluant «on est carrément dans l'impasse». Taazibt se dit persuadé qu'aujourd'hui, aucun responsable, y compris le Premier ministre ne peut ignorer «le cri du peuple». Et de poursuivre «malheureusement, bien qu'Ahmed Ouyahia ait reconnu l'ampleur de ces protestations, il n'a pas répondu à l'essentiel concernant la présidentielle». Il présente comme solution «une conférence nationale de consensus, une conférence ouverte aux forces politiques, sociales et économiques du pays sans exclusion, capable de débattre librement, et capable de dégager une plate-forme politique, économique et sociale, et de proposer une réforme constitutionnelle, à la hauteur des attentes». Taazibt s'interroge «puisque c'est le cas, pourquoi donc programmer une élection présidentielle sur fond de tension et de constatation ?» Lakhdar Benkhalef, chef du groupe parlementaire du parti El-Adala (parti de Djaballah) abonde dans le même sens, en estimant que la déclaration de politique générale est venue en retard, alors qu'elle devait être présentée, il y a de cela cinq mois. Pour le député d'El Adala, le Premier ministre devait présenter la déclaration de politique générale, de 2017 à 2018. Or sa déclaration est venue mettre exergue les acquis de notre pays « qui ont été accumulés, selon Ouyahia, dans la continuité de la démarche menée depuis 1999 par le président de la République Abdelaziz Bouteflika». Donc , il ne s'agit pas de la déclaration de politique générale , mais des réalisations du Président Bouteflika, durant ces vingt dernières années «durant lesquelles l'Algérie a connu selon le chef du gouvernement, une véritable renaissance nationale . Une démarche qui est anticonstitutionnelle selon Benkhalef. «C'est une campagne électorale au profit du président», dit-il avant d'affirmer que le Premier ministre est en train d'exploiter le Parlement et son poste pour la campagne électrode au profit du candidat à la présidentielle, Abdelaziz Bouteflika. Le député d'El Adala a affirmé que son parti est contre le cinquième mandat. Il ajoute que les partis de l'opposition vont se réunir, encore une fois, le 3 mars prochain, non seulement pour se concerter sur le candidat unique en perspective de l'élection présidentielle du 18 avril, mais beaucoup plus pour débattre des actions communes dans le cadre du «hirak politique» et surtout par rapport au « hirak populaire contre le cinquième mandat ». Le député du parti El Adala espère que le Président Bouteflika qui a répondu favorablement aux appels incessants des partis de l'alliance et aux 4.000 ou 5.000 personnes qui se sont rassemblés à la coupole, pour se porter candidat, répondra favorablement aux milliers de voix qui sont sorties dans la rue pour exiger son retrait de la course. Et ce, pour préserver l'intérêt du pays et du peuple algérien.