Est-il possible que la rue soit devenue une conquête nouvelle, sociale, politique et culturelle des Algériens, le temps de cette immense protestation contre le 5ème mandat ? A bien considérer les événements nés de ce refus populaire contre un 5ème mandat qui est en train de provoquer une grande fissure entre le peuple et ses gouvernants, il est évident de répondre par l'affirmative tant les Algériens ont soif de changement. Toutes tendances politiques confondues, toutes catégories sociales confondues, les Algériens ne semblent plus en mesure d'accepter des perspectives politiques contraires à leur conception de leur avenir, de leurs espérances ou de leur vie de tous les jours. Les manifestations contre le 5ème mandat, qui sont en train de se transformer en une demande pressante d'un changement politique qui passerait par un autre personnel dirigeant, sont devenues une sorte de revendication à 'minima'' qu'il faut satisfaire. Tôt ou tard, mais plutôt tôt que tard, tant est grande la revendication du refus d'un fatal 5ème mandat, comme cette quête d'un renouveau social qui a longtemps fui la société algérienne. Le détonateur de toute cette colère sociale, de toutes les revendications possibles, de ce réveil soudain et fort - fallait-il s'en étonner ? - est là, mais difficile de gérer une candidature par procuration lorsque le candidat est le président de la République. C'est là pourtant, sur ce point nodal que doivent entrer en jeu les arbitrages, les concessions et le consensus autour de la gestion de cette sensible période préélectorale pour le scrutin du 18 avril. Car si la rue, la majorité des Algériens sont contre un 5ème mandat, il ne faut pas également marginaliser l'autre partie des Algériens, autant la majorité silencieuse que celle qui a toujours été du côté des partis au pouvoir. Comme il y a des Algériens qui veulent le changement, il y a foncièrement des Algériens de l'autre bord qui s'inquiètent plus pour la sécurité et la stabilité du pays que d'aller vers des changements porteurs de précarité, d'instabilité et de noirs lendemains. Cette vision des choses a été en réalité développée par tous ceux qui ont peur d'un changement structurel qui porterait fatalement les contours d'une violence dommageable pour la stabilité du pays. Un discours qui est en train d'être battu en brèche par le pacifisme affiché lors des marches contre le 5ème mandat, comme il est également démontré que jusqu'à présent la situation est parfaitement maîtrisée par les forces de sécurité. Il reste maintenant que tous les protagonistes doivent mettre au-devant de toutes leurs priorités la sécurité et la stabilité du pays, sans reniements ni marche arrière quant à l'objectif de redonner au pays un second souffle, pas d'où qu'il vienne, mais avec cette impérieuse condition qu'il soit porteur d'une régénération d'une Algérie qui en a tant besoin. Un combat générationnel s'il en est, et c'est aussi un combat du président qui a annoncé un certain mai 2012 que «l'heure de la retraite a sonné pour les anciens ne pouvant plus gérer les affaires du pays». «Je m'adresse aux jeunes qui doivent prendre le témoin car ma génération a fait son temps», répétant trois fois cette phrase. Les Algériens qui vont manifester demain vendredi contre le 5ème mandat doivent garder à l'esprit qu'ils marchent pour leur avenir, pas contre leur destin.