Au sein des partis de la majorité, les moments sont difficiles, alors que les marches populaires de rejet de la candidature du Président Bouteflika sont en train de faire imploser autant l'ex-parti unique et ses organisations satellites, et exercer une formidable pression contre les autorités, pour l'abandon de l'option du 5ème mandat. L'état de santé du Président Bouteflika, dont le séjour aux HUG (Hôpitaux universitaires de Genève) a duré plus que prévu, inquiète autant les constitutionnalistes quant à la recevabilité de son dossier de candidature, que ses soutiens au sein des partis de l'alliance présidentielle, en particulier au sein du FLN où les défections sont en train de provoquer une profonde crise interne. Le «déclic» des manifestations du 22 février dernier est en train d'alimenter une petite révolution populaire contre le 5ème mandat que les partis de la majorité continuent de soutenir envers la volonté des Algériens, qui protestent depuis trois semaines, maintenant, contre cette candidature du Président Bouteflika. La réaction de la rue a fini par faire réveiller les organisations professionnelles, les intellectuels, les universitaires, les artistes et autres syndicats autonomes. La colère est également en train de souffler un vent de contestation au sein de l'ONM, l'UGTA, le FCE, et même parmi les anciens «malgaches», des organisations qui soutenaient un 5ème mandat. Mais, la crise profonde du système et des organisations satellites, est en train d'être enregistrée au sein du FLN, où la contestation de la direction actuelle fait bouger, de l'intérieur, le plus vieux parti algérien, notamment, autour de la paternité de la candidature du Président Bouteflika. Maintenant que la rue a montré le chemin pour un changement pacifique, et une alternance politique citoyenne, les langues commencent à se délier au sein du FLN, et les positions, hier immuables, bougent à présent. Après la démission de deux cadres du parti, le coup de tonnerre est venu de l'ancien dirigeant du mouvement de redressement du FLN, Abdelkrim Abada, qui a annoncé, jeudi, sa démission de l'instance provisoire de gestion du FLN, moins de 24 heures après sa nomination avec 14 autres personnalités du parti, et qu'il rejoignait les rangs des opposants au 5ème mandat. Il a, sur le candidat du FLN, indiqué que le parti n'a pas de candidat. Il a expliqué dans un entretien à un site électronique qu'il ne soutient pas le 5ème mandat «parce que le parti n'a pas décidé de ce soutien», ajoutant que éce n'est pas le FLN qui a choisi ce candidat. Est-ce que le Comité central du FLN s'est réuni pour proposer cette candidature ?», s'est-il interrogé, avant d'expliquer que «ce candidat est libre et le FLN n'a pas de candidat pour la présidentielle du 18 avril prochain.» Abdelkrim Abada a ajouté, sur la désignation d'un candidat du FLN que «ce ne sont pas des individus ou la direction qui prennent ce genre de décisions. Ce sont les instances du parti qui se réunissent et définissent le candidat pour la présidentielle, ce qui n'est pas le cas présentement.» «Par conséquent, nous ne sommes pas concernés par ce 5ème mandat et nous n'avons pas de candidat», affirme-t-il. La crise au sein du FLN est patente, profonde, que les oppositions au 5ème mandat sont en train de faire émerger une situation qui a provoqué, mercredi, une réunion d'urgence du FLN, pour tenter de resserrer les rangs qui vacillent, et nommer 15 personnalités chargées de reprendre en main les destinées d'un parti, qui est en train d'imploser avec les défections en série de ses cadres. Même vent de révolte au sein du plus vieux syndicat algérien, l'UGTA, qui fait face, lui aussi, à une forte contestation et le refus de beaucoup de syndicalistes, des unions professionnelles et de wilayas de cautionner le 5ème mandat que soutient le secrétaire général Abdelmadjid Sidi Said. Après la rue, l'ONM et le MALG disent «non» Les syndicalistes des entreprises installées dans l'une des plus grandes zones industrielles du pays, celle de Rouiba avec plus de 200.000 travailleurs, ont refusé de soutenir le 5ème mandat et désavoué le SG de l'UGTA. Les syndicats autonomes de la Santé et de l'Intersyndicale de l'Education ont, également, annoncé leur soutien aux manifestations populaires contre le 5ème mandat. Pare ailleurs, au sein de l'Organisation nationale des Moudjahidines (ONM) et le MALG, c'est le même refus du 5ème mandat, même si l'ONM soutenait au départ le Président Bouteflika pour sa candidature. L'ONM, qui a pris position contre le 5ème mandat a expliqué dans un communiqué qu'elle «salue les manifestations populaires marquées par un comportement civilisé qui a suscité l'admiration du monde entier», avant de dénoncer «la collusion entre des parties influentes, au sein du pouvoir, et des hommes d'affaires véreux qui ont bénéficié, de manière illicite, de l'argent public.» De leur côté, les membres de l'Association des anciens du MALG, réunis mardi 5 mars, ont indiqué qu'ils partagent «l'inquiétude et la colère du peuple devant le mépris et le refus affichés par le pouvoir, face à sa demande de changement irrévocable.» «Devant cet élan irrésistible et cette volonté exprimée, il n'y a plus de place aux atermoiements et aux manœuvres dilatoires pour perpétuer un système qui a atteint des limites et qui risque de mener le pays à l'aventure et aux plus graves périls», ajoute le communiqué de l'Association des anciens du MALG, qui explique que «par cette mobilisation, sans précédent, le peuple a déjà voté le rejet, pur et simple, du 5ème mandat et tout ce qui va avec». La même tempête secoue l'une des plus importantes organisations patronales du pays, le Forum des chefs d'Entreprises (FCE), affaibli par des défections de plusieurs dirigeants d'entreprises privées, pour se désolidariser avec la direction de l'organisation, accusée de s'être alliée au pouvoir. Par contre, les réactions par rapport aux marches populaires contre le 5ème mandat restent timides au sein des partis de la majorité, où les positions affirmées d'avant le 22 février, sont en train de vaciller. Le SG du RND, dont le mutisme par rapport à la situation politique actuelle est devenu assourdissant, tout comme TAJ et le MPA, n'a pas hésité à brandir la menace du chaos, et fait le parallèle avec la Syrie, lors de son passage, la semaine dernière, au Parlement. Des menaces à peine voilées contre le hirak' algérien qui ont été vite dénoncées, lors des manifestations populaires de vendredi 1er mars. Si les partis de la majorité observent un véritable profil bas, par rapport aux événements actuels, l'opposition maintient la pression, de son côté, sur le pouvoir. Après l'appel de l'ancien président du RCD Said Sadi, au président Bouteflika de démissionner, le gel ou le report de cette élection par le PT et le MSP, le président de Talaie El Hourryet, Ali Benflis qualifie la lettre de Bouteflika, lors du dépôt de son dossier de candidature, au Conseil constitutionnel de «provocatrice» et «een décalage profond par rapport aux objectifs fixés par les Algériens.» L'autre interrogation, est de savoir si les autorités vont céder à la formidable pression de la rue, qui refuse de cautionner un 5ème mandat. Si le Président Bouteflika, dans son message de jeudi, a salué le caractère pacifique des marches populaires contre le 5ème mandat, sans le nommer, il a appelé également «à la vigilance et à la prudence quant à une éventuelle infiltration de cette expression pacifique par une quelconque partie insidieuse, interne ou externe, qui pourrait, qu'Allah nous en préserve, susciter la fitna' et provoquer le chaos avec tout ce qu'ils peuvent entraîner comme crises et malheurs.» Décodé, les autorités craignent ou brandissent le spectre du «chaos», que pourraient provoquer ces marches contre le 5ème mandat en particulier, et le changement politique dans le pays en général. Plus expressive est cette phrase du message de M. Bouteflika aux femmes algériennes, en exhortant «l'ensemble du peuple algérien, et en premier lieu les mères, à veiller à la préservation de l'Algérie, en général, et de ses enfants en particulier.» Difficile ne pas y voir une sorte d'avertissement à peine voilé contre la poursuite des manifestations populaires qui sont en train de changer de cap, et de passer du refus d'un 5ème mandat à un rejet plus affirmé du régime actuel. Le bras de fer entre la rue et le Pouvoir ne fait que commencer et la pression sera, encore, plus intense dans les prochains jours.