Comme cela était prévisible, les Algériens sont à nouveau descendus dans la rue vendredi. Ils l'ont fait plus massivement que les autres fois pour qu'il soit compris par le chef de l'armée que leur mouvement citoyen n'est pas dupe de ce que la solution d'activation de l'article 102 de la Constitution préconisée par lui n'est qu'un stratagème visant à provoquer sa dislocation et à créer les conditions à la reprise en main par le pouvoir d'une situation qui est en passe de le submerger. Gaïd Salah qui a probablement pensé que son appel fait au nom de l'armée et compte tenu que celle-ci disposerait d'un crédit favorable auprès de la majorité des Algériens recueillerait l'approbation de cette dernière, a constaté ce vendredi que le mouvement citoyen n'entend rien concéder sur ses revendications et surtout pas celle d'une transition qui ne soit pas pilotée par les hommes du régime. Or c'est ce à quoi vise la préconisation du chef de l'armée et dont il a résulté pour lui qu'ayant été relativement épargné par la vindicte et l'opprobre populaire lors des précédentes marches citoyennes, il a été copieusement pris à partie et mis dans le même sac que la faune dirigeante dont le départ est exigé. Les millions de manifestants ont battu le pavé hier pour signifier que le peuple s'est réapproprié la souveraineté décisionnelle et n'entend pas s'en laisser confisquer l'exercice fût-ce par l'armée. Ce qu'ils ont répété c'est être seuls à même de décider de quelle manière organiser la transition à mettre en œuvre pour opérer le changement de régime revendiqué par le peuple quasi unanime. En scandant cette exigence, ils ont placé le chef de l'état-major de l'armée devant le choix de s'incliner devant la volonté populaire dont il a prétendu qu'elle doit s'imposer à tous et avec laquelle l'armée qu'il commande serait en communion ou de s'en affranchir en persistant à vouloir lui dicter les termes d'une transition dans un cadre qu'elle refuse et rejette. S'il opte pour le passage en force, Gaïd Salah prendrait la responsabilité historique d'engager l'institution militaire dans une épreuve de force avec le peuple algérien aux conséquences dramatiques. Le mouvement citoyen veut en finir pacifiquement avec le système qui a enfanté des «Reboub El Bled» ayant usé de leurs pouvoirs pour bâillonner le peuple, exercer sur lui le droit de vie et de mort qu'ils se sont arrogé et s'accaparer sans retenue d'une grande partie de l'argent public. En offrant à ce système la planche de salut que serait pour lui l'activation de l'article 102 de la Constitution qui lui permet de rester partie prenante de la transition post-Bouteflika, Gaïd Salah s'est érigé en son ultime rempart et a révélé de quel côté il est réellement. Les Algériens l'ont compris et s'en prennent maintenant frontalement à lui.