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Le mot «Peuple» représente un état légitime de souveraineté
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 04 - 04 - 2019

Au plan philosophique, le sens du mot «peuples» au pluriel ne véhicule pas la même pensée que «peuple» employé au singulier. Le premier signifie: multitude, peuplade ou plus trivialement foule, sans esprit de corps et encore moins de destinée historique commune, pour faire face ensemble aux périls communs; par exemple de s'opposer ensemble à un envahisseur.
A propos d'invasion et d'occupants, l'Algérie n'en compte plus le nombre. Si l'on s'en tient à ces 500 dernières années, le pays fut occupé par les Espagnols, les Ottomans, les Français, contre lesquels l'organisation tribale, aux identités plurielles et limitée à l'espace clos de chacun, n'était pas en état de contrer leur invasion. Contre les incursions espagnoles, par exemple, il a fallu faire appel à des renégats, de véritables loups des mers, appelés ‘'Turcs de profession'', pour prétendument «sauver» le pays. Finalement ils occupèrent la contrée, non sans la piller et maltraiter ses habitants pendant trois siècles... Les Français boutèrent dehors les Ottomans pour en faire autant et à certains égards pire... ‘'Un clou chasse l'autre'', dit un proverbe.
On parle d'''occupant'' quand celui-ci s'empare des biens d'un pays, en privant l'habitant de sa souveraineté, en exploitant sa force de travail et en disposant de ses ressources naturelles pour enrichir son empire; l'occupant peut être aussi un dictateur autochtone compradores, enrichissant les étrangers au détriment de ses populations... L'histoire politique est jalonnée d'exemples de pays vassaux, à la faveur de différents pactes ou doctrines : en Amérique latine la ‘'doctrine Monroe'' ; au Moyen-Orient le Pacte ‘'Sykes-Picot'' ; en Afrique, le plan français ‘'Françafrique'', du continent éponyme dans sa globalité, etc.
Depuis environ un demi-siècle d'indépendance de notre pays, la survivance du phénomène tribal s'est heurtée à la singularité clanique, née après l'indépendance. Ce qui fera naitre le régionalisme, les oligarchies, les coteries, le clientélisme, etc. ; phénomène ayant entrainé la prédation du pays. Cette réalité politique a fortement marqué l'Etat algérien, paraissant fondé sur des restes polyarchiques des systèmes répressifs ayant, pendant cinq siècles, occupé le terrain politique et l'exercice du pouvoir dans ce pays...
Quant à la seconde notion de «peuple», prise au singulier, il s'agit d'un tout unitaire et indivisible, représentant d'abord l'état de prise de conscience de la destinée historique commune, rattachée par une soudure invisible à l'idée de nation; démarche primesautière et historique que semble incarner la génération du printemps 2019... On croit entendre 500 ans ça suffit ! En tous cas, c'est ce que semble dire en chœur cette génération qui bat résolument les pavés du pays, depuis six vendredis consécutifs, sans concession aucune au pouvoir et à la classe politique, rejetés en bloc. Globalement les exigences de la rue ont été satisfaites jusqu'à l'abdication de Bouteflika. Ce n'est pas une fin en soi car il reste du chemin à faire.
Cette génération s'est levée UNIE, comme une seule personne, autant envers la soumission ancestrale volontaire, idée chère à un certain De la Boétie (philosophe français qui avait le mieux disserté sur la ‘'soumission volontaire des peuples'') que contre la tyrannie imposée, fait gravissime, par nos propres compatriotes; se comportant comme des ‘'occupants'' indigènes... Lors des dernières manifestations des accusations plus graves encore à leur sujet ont été scandées de concert: «voleurs, vous avez pillé le pays...», ce que semble confirmer l'actualité, avec les arrestations d'affairistes proches du cercle présidentiel, constituant un tout petit bout de l'iceberg...
Le pouvoir et ses relais invoquent la possible ‘'crise constitutionnelle. En fait, il s'agit de la même crise de gouvernance qui perdure, dans un système qui ne veut pas croire à la fin de sa ‘'mission divine''. Il s'agit à coup sûr de manœuvres médiatiques pour justifier la désignation, de façon méprisante, d'un nouveau gouvernement, laissant croire que le pouvoir vaque à ses occupations publiques... Mais la rue exige l'application de l'Art 7 et suivant, en l'espèce de consacrer le principe de la souveraineté du Peuple... C'est son droit constitutionnel et nul n'est en état de l'empêcher de recouvrer sa souveraineté, longtemps spoliée.
Pour entrer dans une dynamique de transition, il appartient désormais à ce peuple de créer par consensus un conseil constitué de cinq à sept personnalités crédibles et au dessus de tout soupçon, autour d'une personnalité acceptée par le peuple dans sa majorité, comme Lamine Zeroual. Appelons-le ‘'Collège de Salut National'', disposant d'un mandat du peuple pour prioritairement : remercier tout le personnel politique actuel (pouvoir et opposition); consacrer le principe intangible d'instauration de la IIème république; constituer un gouvernement provisoire de technocrates, pour gérer les affaires courantes et accompagner la transition; convoquer une assemblée constituante citoyenne afin de statuer sur le type de régime politique voulu par le peuple, avec une nouvelle redistribution des pouvoirs. Faut-il continuer avec un régime présidentiel omnipotent où le président est un monarque ? Ou adopter un régime où le président, père de la nation et arbitre du jeu politique, est élu par le parlement; faut-il opter pour le régime parlementaire... Autant de questions nécessitant autant de réponses à apporter en cette période d'interrogations légitimes.
De cette réflexion découleraient des élections : présidentielle, parlementaire, communale, etc. Par conséquent, ne nous emballons pas, avec le risque de mettre la charrue avant les bœufs. Il faut se donner le temps de la réflexion, avant de songer aux élections présidentielles, comme le demandent certains, dans un pays qui s'est passé de président pendant pas moins de sept ans... Ne peut-on pas continuer ainsi pendant encore sept mois ?
Ceci étant, ce ne sont certainement pas ‘'Ali Baba et ses 44 000 voleurs'' qui vont empêcher un peuple souverain (de 44 millions d'habitants) d'exercer sa volonté constitutionnelle. Ce peuple compte prendre pacifiquement son destin en main, par tous les moyens en sa possession, au besoin en ayant recours à la désobéissance civile contre un système en voie de décomposition et un gouvernement fantoche. Il s'agit pour toute la collectivité nationale d'une question de vie ou de mort politique, même si on sait que l'institution militaire est mobilisée au côté du peuple pour contrer toute les tentatives de déstabilisation du pays par des forces internes à la solde de la géopolitique internationale ; raison pour laquelle on doit résister à toutes les pressions; aux manœuvres politiciennes ; aux rumeurs les plus fantaisistes destinées à désinformer le peuple... Que les gens du sérail se déchirent, c'est n'est pas le problème de la rue que l'on veut entrainer dans des prises de position susceptibles de diviser les rangs, en étant pour Moussa et contre El Hadj ou l'inverse...
Le peuple doit se hisser au dessus des luttes de clans au pouvoir, susceptibles de le distraire de son objectif premier, en l'espèce de : passer du stade de ‘'mouvement populaire'' (Hirak chaâbi) à une ‘'Révolution Populaire'' (Thaoura Chaâbia), aboutissement logique du combat historique qu'il mène admirablement en ce moment... De toutes les manières, le sort en est jeté : le peuple algérien n'a plus qu'un seul choix : avancer en faisant corps avec le destin salvateur qui frappe à la porte de la Maison Algérie, pour écrire de sa propre main l'histoire et non de la subir une fois de plus!
Si les dirigeants des autres Etats enviaient les gouvernants du (désormais) plus grand pays d'Afrique, de pétrir une pâte rendue docile par des siècles de matraquage répressif, au point que les Algériens sont arrivés à ignorer qu'être Le PEUPLE est un état légitime de détention du pouvoir, en revanche les peuples du monde entier observent avec émerveillement ce qui se passe chez nous... De l'échec ou de la réussite de notre révolution, dépend le sort de peuples d'autres contrées spoliées, qui rongent leur frein devant le portail de la liberté, avant de foutre en l'air leur système politique oppressif... La révolution algérienne de novembre 54, n'a-t-elle pas servie de modèle à de nombreux peuples en lutte ?
Par voie de conséquence, les Algériens ne doivent plus quitter la rue jusqu'à obtenir le départ complet de ce système mortel pour notre pays. La liberté véritable se dessine enfin à l'horizon. Elle se présente sous forme d'une IIème République, ardemment espérée et désormais à notre portée... Cf., la contribution de l'auteur des ces lignes des 17 et 18/01/2011, In le soir d'Algérie, intitulée le ‘'Boumediénisme rattrapé par l'histoire'', comportant en conclusion un plaidoyer pour une IIème république, afin de chasser ce pouvoir autant monarchique que maléfique pour notre pays...
*Auteur-essayiste, expert et consultant international


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