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Reconduction de Bensalah, délais constitutionnels et élection présidentielle: Un vide politique sidéral
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 03 - 06 - 2019

La décision formelle du Conseil Constitutionnel d'annuler l'élection présidentielle du 4 juillet prochain, plonge le pays dans un vide politique sidéral.
Mise à part la prorogation d'office du délai constitutionnel du chef de l'Etat, depuis hier, l'Algérie n'a aucune date pour l'organisation des élections présidentielles, aucune alternative politique, aucun agenda consensuel, aucune approche claire sur une sortie de crise concertée. Le communiqué rendu public, hier, par le Conseil Constitutionnel met à nu un pays où chacun se construit, tout seul, une république dans sa tête. A ce jour, aucun rapprochement n'a été possible entre le haut Commandement de l'Armée, le ‘Hirak', les partis politiques et les différentes organisations et associations de la société civile. Aucune évolution sensible n'a été enregistrée depuis que tout le monde a décidé de tourner en rond ou de jouer à cache-cache. En réponse à la demande de dialogue formulée par le chef d'état-major de l'ANP, les différents acteurs de la scène nationale brandissent des initiatives qui confondent, dangereusement, démocratie, droits des minorités, dépositaires des droits identitaires, suprématie des «symboles de la citoyenneté», libertés individuelles et collectives et autres anarchisme et leadership.
Depuis hier, le pays est revenu au point zéro en comptant à partir du 2 avril dernier, date de la démission du président Bouteflika. Abdelkader Bensalah est reconduit par le Conseil Constitutionnel à son poste de chef de l'Etat conformément à l'article 103 de la Constitution et ce, jusqu'à l'élection d'un nouveau président de la République. Ceci, même si l'article en question ne prévoit pas ce retour, au cas où il n'y a pas de candidats. Tout autant que d'autres articles comme le 92 que l'autorité militaire met en avant pour permettre à Bensalah de limoger et de nommer des hauts responsables, l'article 103 est malaxé pour garder un semblant de conformité avec les situations à traiter. C'est uniquement de cette manière que la loi suprême du pays peut lui commander, une seconde fois, de convoquer le corps électoral pour l'organisation d'élections présidentielles à une date qu'il se doit d'arrêter et de rendre publique le plus tôt possible.
Dans l'attente du verdict du Conseil d'Etat
Encore que pour cette fois, il devra faire en sorte d'éviter l'affront de l'échec dans sa mission de remettre les clés de la présidence de la République à un chef d'Etat bien élu et dans les délais qui lui sont impartis. Délais que la Constitution fixe à 60 jours mais que des voix diverses jugent insuffisants pour mettre en place tous les instruments nécessaires à l'organisation d'un scrutin crédible. Là aussi, les constitutionnalistes devront innover pour en tirer le maximum de temps. L'article 103 prévoit, dans un de ses alinéas, l'adoption, par le Parlement, d'une loi organique qui détermine les conditions et les modalités de mise en œuvre de toutes ces dispositions. Les trois tiers d'une APN débarrassée de Bouchareb feront l'affaire.
Les analystes tentent de démêler l'écheveau pour trouver le bout du fil qui conduirait, tant bien que mal, vers un recentrage des éléments clés d'une situation aussi complexe. L'on dit que le Conseil d'Etat rendra son verdict, aujourd'hui, dans l'affaire opposant Saïd Bouhadja président déchu de l'APN à Mouad Bouchareb, président de l'APN par effraction. Les hommes de loi s'attendent à ce que le Conseil d'Etat déclare Bouchareb président illégal. Ce qui facilitera la mission du FLN de Mohamed Djemai de l'empêcher de rentrer dans son bureau sans être obligé de lui cadenasser la porte. Si un tel verdict se confirme, Bouhadja aura remporté, sur ses détracteurs, une victoire-revanche qui se traduira en principe par son retour à la présidence de la Chambre basse. «C'est ce qui poussera à la chute du deuxième B (Bouchareb) comme exigé par le ‘Hirak',» avance un analyste. L'autre B -Bedoui- va «nécessairement» partir lui aussi pour que le chef d'état major de l'ANP puisse reformuler très vite son discours et son offre de dialogue. Restera le B le plus en vue -Bensalah- qui ne pourra être changé même fatigué qu'il est avant d'avoir installé un nouveau Premier ministre, conformément à l'article 92 de la Constitution.
Il a le droit d'en sortir un de l'actuelle équipe gouvernementale qui, elle, devrait, probablement, se passer de ses ministres qui détiennent les portefeuilles de souveraineté en premier l'Intérieur et la Justice pour plaire aux antagonistes de Gaïd Salah.
Constitution d'une autorité collégiale ?
Le cadre constitutionnel auquel tient le général de corps d'armée sera, ainsi, sauvegardé. Mais ceci ne résoudra pas la question du dialogue qui reste entière. A moins que le feu vert sera donné à des personnalités nationales pour se constituer en «autorité collégiale indépendante», chargée d'en établir la liste des invités, fixer la date des rencontres et accélérer la mise en place de la Commission d'organisation des élections présidentielles.
«Ils vont disséquer toutes ces situations», déclare un responsable avec le sourire, convaincu du «génie» du Haut Commandement de l'Armée à prouver son légalisme et son respect de la Constitution même en la malmenant dans tous les sens. Tant que l'autorité judiciaire occupe l'esprit populaire par ses actions inédites, Gaïd Salah est assuré de gagner le bras de fer qui l'oppose au ‘Hirak'. Il sait que tout vient à celui qui sait attendre. Pour cela, il étirera le temps comme il l'entend et jugera lui-même de l'importance, de la priorité et des tournures à donner aux événements à venir. L'on apprend que la défense des hauts responsables détenus à la prison militaire de Blida s'active à constituer des dossiers médicaux pour arracher la liberté provisoire de leurs clients. Si le général Hocine Benhadid qui se faisait opérer, hier, à l'hôpital Mustapha, d'une fracture du col du fémur n'a, selon des juristes militaires, aucune chance de faire valoir cette option, «Saïd Bouteflika et le général Mohamed Mediène (Toufik) ne l'auront pas non plus». Ceci, même si leur famille et leurs défenses respectives pensent «faire tout» pour les sortir de prison, en raison, disent nos sources, de leur état de santé qui se détériore.


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