S'il est prématuré de dire qu'un début de sortie de crise est en vue, il n'est pas exclu pour autant d'espérer que l'initiative du Forum civil pour le changement est à mettre dans l'escarcelle de ces victoires politiques annonciatrices du retour du calme, après des moments de forte tempête. La liste des 13 personnalités politiques proposées par le Forum pour un dialogue sérieux et serein devant ouvrir la voie à un début de résolution de l'impasse institutionnelle et constitutionnelle actuelle est une grande avancée. La stature et la crédibilité des personnalités de ce panel est de nature à donner des gages quant à la conduite du processus de dialogue et de médiation avec les autorités jusqu'à son aboutissement ultime, l'organisation d'élections générales, dont une élection présidentielle dans les meilleurs délais. Pour autant, ce n'est pas l'épaisseur politique ou la crédibilité sociale de ces personnalités qui en feront des « sésames » devant baliser la voie pour une sortie de crise politique rapide et dans les meilleures conditions sociales possibles. Mettre noir sur blanc des noms sur une liste n'est pas une solution, ni une panacée à l'impasse institutionnelle et constitutionnelle actuelle, avec un gouvernement qui prend des décisions très lourdes pour l'avenir économique et social du pays au lieu de gérer juste une période transitionnelle. Le chef de l'Etat par intérim reste de son côté scotché dans une position attentiste au lieu d'aider tous les acteurs politiques à trouver une solution consensuelle devant mettre en orbite les grands fondamentaux du retour à la légitimité constitutionnelle, appuyée et consolidée par une large adhésion de tous les courants politiques et la société civile. Mais, toute avancée dans le dialogue politique, dans la recherche des voies les plus pertinentes et consensuelles pour dégager la voie à l'organisation d'une élection présidentielle, et donc accélérer le retour à la légitimité constitutionnelle, ne peut se concevoir alors que les libertés individuelles et collectives sont toujours bafouées, que le champ politique reste encore verrouillé, que les atteintes flagrantes aux libertés, dénoncées par la société civile et des personnalités politiques, restent encore à bannir et, surtout, que le climat politique n'est pas encore propice à la mise à plat de tous les différends. C'est comme s'il y a quelque part un blocage, sinon un fonctionnement à deux vitesses du pays, entre celui qui est en train de « rendre gorge » à tous les auteurs de détournements et de dilapidation des biens du peuple et celui qui dit à l'autre que la priorité du moment est de mettre en place de nouvelles institutions du pays, une réorganisation de la gouvernance et l'émergence du potentiel humain devant prendre en charge cette phase délicate de transition politique. C'est cette ambivalence dans la démarche globale des deux grandes forces politiques, celle de l'opposition avec ses différentes composantes politiques et sociales et celle du pouvoir qui veut imposer sa propre solution de sortie de crise, pas forcément acceptable, car ne prenant pas en considération la formidable demande du peuple, celle d'un changement radical de gouvernance et du personnel devant la prendre en charge. Maintenant, avancer des noms comme autant de « jokers » pour faciliter l'amorce d'un dialogue politique global ouvert sur la fin de la crise politique, cinq mois après le début du Hirak, peut être une bonne chose pour tous. A condition que chacun joue sa partition qui lui est dévolue par le peuple.