Cela fait six mois que les Algériens sortent dans la rue réclamer un changement de régime radical. Hormis la démission du président Bouteflika et une impasse politique générale qui s'installe dans la durée, le Hirak ne peut pour le moment se prévaloir de quelconques avancées politiques, ni de batailles institutionnelles remportées sur le front d'un retour à la légitimité populaire. Des solutions et des propositions de sortie de crise existent et sont sur la table, mais les divergences autant sur la méthode que sur les moyens sont en train de creuser un énorme fossé entre les espoirs d'une rapide sortie de crise et l'enlisement de la crise dans des travers politiques inextricables. En fait, il y a autant de visions de sortie de crise que d'acteurs sur la scène politique nationale et chacun veut faire passer «sa» solution, sinon «sa» proposition sans écouter les autres interlocuteurs, les autres protagonistes d'une situation qui s'enfonce dans des préalables intolérables à l'amorce d'un dialogue serein. Il y a d'un côté ceux qui, à l'intérieur d'un panel de dialogue constitué de personnalités nationales désignées par le pouvoir, veulent attirer la société civile, les partis et les personnalités nationales pour mettre en place un dialogue inclusif devant ouvrir la voie à une sortie de crise qui passe par l'organisation d'une élection présidentielle. En face, il y a toute la dynamique sociale rassemblée au sein des partis d'opposition et les organisations de la société civile pour qui une sortie de crise et l'amorce d'un dialogue national sont tributaires du départ des symboles du pouvoir, le changement de gouvernement et l'instauration dans le pays d'une période transitoire, avec un exécutif de transition qui doit préparer sereinement l'étape cruciale des élections présidentielles, mais dans le calme et sans précipitation. Et, en troisième position, il y a l'armée nationale représentée par son chef d'état-major pour qui la seule issue possible à l'actuelle impasse politique réside dans la tenue dans les plus brefs délais des élections présidentielles. Une position qui revendique, comme elle légitime, le retour à la légalité constitutionnelle avec un président de la République désigné par les urnes, une étape obligatoire pour ensuite désigner un gouvernement et un nouveau Parlement. Or, cette vision de sortie de crise est réfutée et rejetée par l'opposition, en ce qu'elle met de côté toutes les revendications populaires quant à un changement radical de mode de gouvernance et, plus que tout, maintient par des moyens détournés le même système politique que la rue algérienne dénonce depuis le 22 février. Il est clair, maintenant, que les sorties du chef d'état-major de l'ANP, avec ses solutions, butent sur une réalité politique où les positions des uns et des autres restent pour le moment encore inconciliables. D'autant que la marche arrière enclenchée par le panel de dialogue national, qui a renoncé, sinon mis au placard ses mesures d'apaisement, n'est pas une bonne chose pour tous ceux qui veulent croire, avec une certaine naïveté, que ces « instances » mises en place par le pouvoir vont travailler pour concrétiser les revendications populaires. Il reste que les divergences sur les voies et les moyens de sortie de crise restent entières entre le pouvoir et la classe politique.