Elargi à de nouvelles recrues après la démission de deux de ses membres, le panel pour la médiation et le dialogue a improvisé la création d'une commission de sages composée de personnalités et experts ayant accepté de le rejoindre. A défaut de commencer « immédiatement les consultations » pour entamer le dialogue comme il l'a répété depuis son installation, le panel a décidé de se décomposer en plusieurs groupes de travail en plus en une commission de sages auprès de laquelle il compte puiser « avis, conseils et orientations », comme indiqué par des sources qui lui sont proches. Désigné pour faciliter le dialogue et tenir un rôle de médiation auprès de l'ensemble des catégories politico-économico-sociales nationales, le panel refuse de s'engager pleinement et tout seul dans une mission qui semble le dépasser. Il a alors décidé de se placer sous l'égide d'une commission de sages qui sera chargée de le «guider» vers les bonnes solutions. C'est donc un panel du panel qui est mis en place à ce effet avec une composante qui n'aura rien de particulier si l'on s'en tient aux prérequis souvent rappelés par Bensalah, Gaïd Salah et autres partis politiques, pour être «personnalité nationale». Au lendemain du 17 juillet dernier, date de l'annonce par le Forum civil pour le changement (FCPC) d'une liste de 13 personnalités devant mener le dialogue, la présidence de la République a rendu public un communiqué dans lequel il notait encore une fois que « (...), ces personnalités devaient être crédibles, indépendantes, sans affiliation partisane et sans ambition électorale. Des personnalités qui émergent du fait de leur autorité morale ou de leur légitimité historique, politique ou socioprofessionnelle ». Il a aussi précisé que « les personnalités proposées par le Forum sont de ce point de vue, et sous réserve de leur disponibilité, pleinement éligibles à l'accomplissement de cette noble mission au service de notre pays ». Le communiqué a ainsi défini « ce condensé de sagesse qu'il faut pour garantir une médiation saine auprès de la société », a relevé un responsable. Un agenda ouvert Une commission de sages est de fait un non-sens. A moins qu'elle est pour diluer les responsabilités, fragmenter et retarder les avis et les solutions devant être notifiés à l'opinion publique le plus rapidement possible. Les effets d'annonce du panel ne sont pas non plus pour avancer. Dans sa réunion du dimanche dernier, il a affirmé qu'il allait établir un calendrier des consultations sans pour autant préciser s'il recevra ses «invités» un par un, par catégories ou par affinités politiques. Ce qui laisse présager que le temps ne sera plus un facteur décisif même si l'objectif assigné à ce dialogue est la tenue d'une élection présidentielle « dans les plus brefs délais ». D'ailleurs, aucune autorité n'a délimité la période devant être consacrée à la médiation et au dialogue voulu. Le panel a prévenu, comme indiqué dans son dernier communiqué, qu'il va «valoriser toutes les initiatives de dialogue précédant le dialogue national, leurs plateformes et leurs propositions de sortie de crise». Cette étape ne devrait en principe pas prendre beaucoup de temps puisque les initiatives se suivent et se ressemblent à l'exemple de la toute récente, celle du forum de la jeunesse algérienne qui a fait du copier-coller de toutes celles précédentes émanant de différents milieux. Etape qui ne doit même pas en être une puisque la consultation et le dialogue sont pour écouter tout le monde et examiner toutes les propositions. Le panel dit vouloir en constituer «des documents de travail qui, a-t-il noté, seront utilisés pour l'élaboration des propositions qui seront soumises à la conférence nationale devant être organisée à la fin des consultations». En résumé, soutiennent nos sources, « le panel prendra des propositions de dialogue (individuelles) pour aller vers un dialogue national d'où émergeront des propositions pour la conférence nationale qui, elle, sortira avec d'autres qui seront soumises on ne sait à qui, une perte de temps flagrante ». C'est un agenda ouvert qui est mis entre les mains du panel. Ce qui ne l'oblige à s'astreindre à aucun engagement ni en termes de délais ni en termes d'avancement des consultations. Comme dans une fiction... Le panel prend tout son temps alors qu'il a été installé il y a plus d'une dizaine de jours. Il donne l'air de tourner en rond et de faire dans l'improvisation. Il va certainement s'agripper encore aux préalables qu'il a posés au chef de l'Etat et que le chef d'état-major de l'APN a rejetés en bloc avant l'ouverture d'«un dialogue national inclusif». Il est évident qu'il veut faire bonne figure face à ses détracteurs et tient à plaire au « hirak » quitte à faire perdurer la crise politique. Rompu pourtant aux arcanes du pouvoir en pleine bourrasque Bouteflika-Benflis, Karim Younes ne peut avoir cru que le préalable de «la libération immédiate des détenus d'opinion» sera vite pris en charge. Lui et tous les membres du panel y compris les nouveaux et ceux qui le rejoindront plus tard savent pertinemment que Abdelkader Bensalah tout autant que Bedoui ne sont que « ces symboles du respect du cadre constitutionnel » auxquels Gaïd Salah tient contre vents et marées pour des considérations de survie. Son rejet de tout préalable, entre autres, en fait foi. Le pouvoir de fait depuis le 2 avril dernier n'est plus à chercher ailleurs qu'à la tête de l'institution militaire. « Ce ne sont pas ceux qui interrogent sur qui fait quoi depuis cette date, ou qui chargent Bensalah de prérogatives qui ne sont pas les siennes qui en ont le moindre doute », nous disait hier un ancien haut responsable. Sinon, ce serait, selon lui, de la pure hypocrisie. Ceci, même si l'on ne sait par quel procédé le général de corps d'armée est devenu en un laps de temps très court le commandant en chef du pouvoir. «En l'espace de deux heures, comme dans une fiction», disaient les observateurs qui ont suivi les évolutions de la scène politique notamment depuis le 30 mars dernier, date où Gaïd Salah avait «proposé» l'application de l'article 102 de la Constitution. Le général de corps d'armée a réagi deux jours plus tard d'une manière prompte qui ne lui était pas connue, de surcroît contre un président qu'il avait soutenu pendant de longues années.