Depuis qu'il est personnellement attaqué au cours des marches populaires du vendredi et que des manifestants exigent son départ pour qu'il soit possible de dépasser l'impasse politique dont ils l'accusent d'en être le responsable, le général de corps d'armée Gaïd Salah, vice-ministre de la Défense et chef d'état-major de l'ANP, durcit de semaine en semaine le ton dans ses allocutions en abordant l'actualité politique. Les cibles de sa vindicte sont ouvertement les partis, organisations et activistes issus de la société civile qui sont pour lui derrière la «bronca» dont il fait l'objet chaque vendredi. Le chef de l'armée n'a pas fait que durcir le ton à leur égard mais instruit les services et la justice à agir contre les plus virulents dans la critique à son encontre. En tentant de faire taire de la sorte les opposants à sa gestion de la crise politique, Gaïd Salah enlève de la consistance à la certitude qu'il dit être la sienne que la majorité des Algériens ne partage pas les revendications qu'ils expriment et présentent comme étant celle du Hirak. Cette conviction que ces milieux sont minoritaires au sein du mouvement populaire né le 22 février aurait dû le dissuader de mobiliser l'appareil répressif de l'Etat contre eux et ce faisant il serait apparu comme étant inébranlé par leurs attaques et accusations. Tant que ces partis et autres acteurs et activistes anti-feuille de route prônée par l'institution militaire s'en tiendront à une opposition pactée, la répression dont ils font l'objet sera perçue, et au-delà des franges de leurs partisans et sympathisants, comme une atteinte inadmissible et inacceptable au droit à la liberté d'expression, première et fondamentale réappropriation obtenue pour les citoyens algériens par le Hirak. Quant aux accusations lourdes proférées à leur encontre par le chef d'état-major de l'armée d'être parties prenantes à un complot contre la nation à l'instigation de la « issaba » et de ses mentors et manipulateurs étrangers, elles restent à être prouvées d'autant que les Algériens savent que le complot et la main de l'étranger sont l'arme qu'ils dégainent systématiquement contre leurs opposants. Le durcissement de l'attitude du pouvoir et de son homme fort à l'égard de leurs opposants augure de moments cruciaux et inquiétants à venir dans le pays. Il est en effet à craindre que le climat politique et social en Algérie, déjà électrique dans le contexte d'une volonté affichée par le pouvoir d'organiser coûte que coûte la controversée élection présidentielle, devienne carrément explosif en ces quelques semaines qui nous séparent de ce rendez-vous électoral. Les signes qu'une radicalisation s'opère dans la contestation de l'option électorale sont visibles. Leur enchaînement fait craindre de fatidiques dérapages. Pour qu'il n'en soit pas ainsi, le pouvoir doit cesser d'embastiller et d'intimider ses détracteurs et faire des gestes d'apaisement que lui demandent même ceux qui se sont positionnés en faveur de sa feuille de route.