Récupération, détournement, infiltration, le «Hirak» a toujours été accompagné par ces appréhensions ou critiques, et en bouclant sa première année, les mêmes perceptions restent plus que jamais d'actualité. En célébrant le premier anniversaire du «Hirak», lors de la 53e marche du vendredi 21 février, l'émotion était forte chez des manifestants, qui sondent un avenir meilleur pour le pays, alors que d'autres se sont accrochés à leurs critiques contre le pouvoir, notamment ce qu'ils considèrent comme une nouvelle tentative de récupérer le mouvement populaire par le président Tebboune qui, lui, a fait part de ses craintes quant aux risques d'infiltration, car il y a des signes d'infiltration tant de l'intérieur que de l'extérieur. Contrairement à d'autres manifestants, donc, plutôt modérés dans leur évaluation des résultats de cette révolution du sourire, certaines parties au sein du Hirak ne se séparent pas de leur scepticisme et ne croient pas du tout que le président Tebboune a agi sans arrière-pensée, visant la récupération du mouvement de contestation populaire, quand il a décrété le 22 février de chaque année Journée nationale' de la fraternité et de la cohésion entre le peuple et son armée. Le décret présidentiel en question, annoncé par le président Tebboune le mercredi 19 février, soit deux jours avant l'an I du « Hirak », qui stipule que la journée du 22 février immortalisera le sursaut historique du peuple et sera célébrée dans l'ensemble du territoire national, à travers des manifestations et des activités à même de renforcer les liens de fraternité et de cohésion nationales, n'a pas été pour plaire à ces manifestants. A travers cette décision, le président tente de récupérer une date qui appartient aux Algériens. Peut-être qu'il aurait dû attendre que ces manifestants revendiquent un tel statut de journée nationale' ! Un état d'esprit suspicieux contre tout ce qui vient d'en haut ? Oui, car aucune démarche engagée par le président Tebboune ou son gouvernement dans le sens d'une rupture avec l'ancien système, dont la lutte contre la corruption qui a fait tomber les piliers de cet ancien système, la révision de la Constitution, puis la loi électorale qu'on va également révolutionner et la réorganisation des institutions pour permettre au citoyen d'y participer en tant que partie prenante à la réflexion, à la solution, à la gestion et au contrôle, ne semble donner un moindre effet de satisfaction. Et, ces parties dans le « Hirak » n'ont pas manqué de dénoncer cette tentative de récupération du Hirak, haut et fort, à travers leurs slogans, en scandant lors de la 53e marche « on n'est pas sorti pour faire la fête, mais plutôt pour faire tomber le système». Dans le fond, au-delà de ces critiques conjoncturelles liées à la célébration officielle de la journée nationale' du 22 février, ces parties campent sur leur position radicale, à savoir le rejet de l'élection qui a intronisé Abdelmadjid Tebboune à la présidence de la République et du gouvernement qui a été formé dans ce sillage, ainsi que la revendication d'un Etat civil avec une armée républicaine qui ne s'implique pas dans la politique et d'autres visions politiques totalement opposées aux concepts mis en marche. Le président Tebboune reste, lui, imperturbable. Non sans admettre que les manifestants sont dans leur droit, tout en considérant que c'est là le fondement même de la démocratie, à plus forte raison lorsqu'il s'agit de personnes manifestant de manière organisée, sans destruction ni troubles. Pour le président, qui s'est engagé personnellement à réaliser l'ensemble de ses revendications, le « Hirak » demeure un phénomène salutaire qui a évité au pays la pire des catastrophes. En somme, une année après, le « Hirak » reste égal à lui-même, il rassemble sur des points de vue, il oppose certains autres regards, mais il est toujours impressionnant quand il s'agit d'exprimer ses rêves de construire une Algérie nouvelle. Il lui reste seulement à s'impliquer activement dans la dynamique du changement en cours. Sinon, à l'aide de quelle recette espère-t-on réaliser un quelconque objectif politique ?