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Devoir de mémoire: Le Moudjahid Ahmed Bensadoun tire sa révérence dans la plus grande discrétion
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 02 - 11 - 2020

Il est des destins de certains personnages hors du commun qui survivent dans la mémoire collective, malgré leur disparition. En effet, la mort fait délier les langues de ceux qui les ont connus ou côtoyés, rehaussant par là même leur existence humaine, en dévoilant leurs vraies natures et leur humanisme.
C'est le cas de Si Ahmed Bensadoun décédé et enterré le même jour, le 21 octobre dernier à 17h, en présence de ses proches et amis, mais à remarquer, en l'absence des édiles locaux. Sa mort s'est propagée à Oran avec une rapidité et émotion déconcertantes.
Si Ahmed c'est avant tout le symbole même du militant au service des autres et des causes justes en concourant, tôt avec abnégation à la Libération du pays du régime colonial impérialiste.
Né le 13 novembre 1933 à Mostaganem, ville d'arts et d'Histoire, c'est dans le milieu familial et son environnement qu'il va prendre conscience dès son plus jeune âge, de son état «d'indigène» dans l'Algérie coloniale. Inscrit à l'école primaire de son quartier de Tijditt, il dût interrompre ses études à 14 ans, à l'approche du Brevet élémentaire, car tel était le sort des indigènes, pour aller travailler à la tannerie de son père. Il milite à ses heures au sein de la JUDMA (Jeunesse du parti du président Ferhat Abbas «Union Démocratique du Manifeste algérien». c'est dans ce mouvement de jeunes qu'il va approfondir davantage sa conscience politique et compenser en tant qu'autodidacte, par des lectures variées, l'interruption de sa scolarité. Cette présence dans la JUDMA sera, pour lui, une école de civisme et d'éducation permanente.
Appelé en décembre 1954 à accomplir son service militaire dans l'armée française, comme tous les jeunes de son âge, à cette époque, alors qu'il venait tout juste d'intégrer une cellule du FLN de son quartier. Profitant d'une courte permission en décembre 1955, il abandonne l'armée française pour rejoindre l'Espagne où il est emprisonné un certain temps avant de rejoindre Tétouan au Maroc. Son passage dans l'armée coloniale lui a été profitable puisqu'il acquiert les techniques militaires modernes. Cette formation le prédispose à être désigné, en 1956, en tant que commandant de l'Ecole militaire de l'ALN installée en pleine forêt de Khemisset, au moyen Atlas marocain.
En juin 1957 il rejoint l'intérieur de l'Algérie à la tête d'une compagnie de combattants. Affecté dans le secteur d'Ain-Sefra, il fut blessé à deux reprises aux combats mais reste dans le maquis par patriotisme. Il séjournera dans le Sud Oranais dans plusieurs zones de l'ALN. Grâce à sa témérité au combat il sera promu dans des grades et responsabilités toujours plus importants par les dirigeants de la Wilaya 5.
En août 1962 à l'indépendance de l'Algérie, il est désigné commandant adjoint du chef de la 2ème Région Militaire à Oran dirigée à l'époque par feu colonel Abbas.
En octobre 1963, il est à Hassi El Beida (sud algérien) et participe à la guerre algéro-marocaine dite «guerre des sables».
Sur sa demande, en 1965, il est mis en disponibilité puis dégagé définitivement de l'armée, pour rejoindre la tannerie paternelle, transférée à Oran, pour lui donner un essor plus important en la modernisant par des techniques performantes. C'est alors qu'il s'éloigne de la vie politique institutionnelle tout en activant dans son secteur professionnel, de 1965 à 1988. En 1989, il sera élu par ses pairs, administrateur de la Chambre nationale de Commerce puis président de la Chambre de Commerce de la wilaya d'Oran. Dans ses nouvelles fonctions il s'insurge en interne contre les dérives de la politique des nationalisations à outrance dans le secteur économique des moyennes entreprises.
L'âge aidant et la résurgence des blessures mal soignées de la guerre de Libération l'obligent à se retirer, en 1992, de toute activité professionnelle en démissionnant de ses charges électives. Le temps lui a donné raison son entreprise emploie actuellement des centaines d'ouvriers et sa vision de l'importance de l'économie libre, dans le monde moderne, s'est largement vérifiée et fortifiée parce que source de richesses. Il a eu le temps et le courage de laisser un livre de souvenirs intitulé : Guerre de Libération : parcelle de vérités de la wilaya 5- Oranie édité en 2005, à compte d'auteur et distribué, gratuitement, lors des colloques et séminaires sur l'histoire de l'Algérie pérenne avec ces combats pour la dignité et la liberté.
En se retirant de toute activité professionnelle, après celle de la politique, il a trouvé le temps de poursuivre son éducation culturelle et élargir ses connaissances en s'intéressant à tout ce qui s'écrit sur l'Algérie. Il continue à porter aide et assistance aux plus démunis, en particulier aux vieux militants politiques devenant, avec le temps, un véritable mécène. Un trait de cette grandeur d'âme, depuis des années à chaque nouvelle rentrée scolaire il prend contact avec la direction de l'école primaire de son quartier pour lui faire part de prendre lui-même, financièrement en charge les fournitures scolaires de tous les élèves de l'école dont les parents ne peuvent supporter des frais onéreux. Si Ahmed Bensadoun est parti discrètement comme il a aimé vivre durant son existence mais son souvenir restera à jamais vivant, à Oran et les générations futures trouveront toujours à déterrer de lui, des facettes nombreuses et variées de son militantisme et de sa générosité.
Enterré dans le ‘Carré des Martyrs' du cimetière Ain-Beida, à Oran il a rejoint avec honneur ses frères et sœurs de combat pour l'Algérie éternelle libre à jamais reconnaissante et de ses enfants morts pour elle. Gloire à toi et adieu cher Si Ahmed, de ma part et de tes amis.
*Avocat - Oran


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