En plus d'une demande pressante de l'arrêt des ingérences étrangères et le départ des mercenaires, Alger s'est faite hier l'écho d'un appel insistant aux antagonistes libyens à unifier leurs rangs politiques et militaires et aux institutions transitoires à mettre en place des mécanismes constitutionnels et réglementaires en prévision de la tenue des élections le 24 décembre prochain. C'est le ministre des affaires étrangères et de la communauté nationale à l'étranger qui a donné le ton à ces demandes voire à ces exigences à l'adresse des différentes parties libyennes pour mettre en œuvre «la feuille de route» qui permettra aux autorités transitoires d'organiser les élections prévues le 24 décembre prochain(...), avec le soutien des pays voisins et de la Communauté internationale. Ramtane Lamamra a tenu en premier à saluer la présence de la ministre libyenne des affaires étrangères et de la coopération internationale à la réunion ministérielle des pays voisins de la Libye dont les travaux ont commencé hier en début d'après-midi au CIC d'Alger. Aux côtés de la chef de la diplomatie libyenne, Najla Al Mangoush, il y avait les MAE de la Tunisie, de l'Egypte, du Tchad, du Soudan, du Niger et du Congo en plus du secrétaire général de la Ligue des Etats Arabes, Ahmed Abou El Ghiet, du Commissaire aux affaires politiques, à la paix et à la sécurité de l'Union Africaine, Bankole Adeoye et de l'envoyé spécial du SG de l'ONU pour la Libye, le Slovac Juan Kubis. Alger se veut pendant deux jours être un conclave arabe, africain et onusien duquel seront dégagées «des propositions concrètes pour «aider la Libye à parachever le processus de réconciliation nationale à travers notamment la tenue dans les délais des élections générales prévues le 24 décembre prochain ». Les invités d'Alger devaient se réunir hier à huis clos sous la présidence de Lamamra pour discuter de la feuille de route à mettre en œuvre pour transcender les profondes divergences qui divisent les parties libyennes. « Cette importante réunion entre dans le cadre des efforts soutenus que nos pays n'ont eu de cesse de déployer pour contribuer au règlement de la crise libyenne », a déclaré le chef de la diplomatie algérienne dans son allocution d'ouverture. «Nos Etats œuvrent collectivement et individuellement au règlement de la crise libyenne, convaincus du rôle vital que doivent jouer les pays voisins dans ce sens », a-t-il noté. Il a notamment affirmé que « le processus de réconciliation en Libye nécessite la poursuite des efforts pour le parachèvement de l'unification des institutions de l'Etat libyen, la réalisation de la réconciliation et le départ dans les plus brefs délais des mercenaires et des forces étrangères de tout le territoire libyen ». Lamamra a tenu à rappeler que « les pays voisins de la Libye sont les plus concernés par les conséquences directes des perturbations dans ce pays, ce qui a été prouvé malheureusement par les nombreux et tragiques événements qui ont secoué nos pays conséquemment à l'absence de stabilité en Libye ». Pour tout cela, il appelle les pays présents à Alger à définir une vision claire «qui prend en charge toutes les considérations qui préoccupent nos décideurs et faiseurs d'opinion respectifs à l'ombre des complots de certaines forces étrangères qui s'activent à renforcer leur présence en Libye pour en faire une tribune pour redessiner les équilibres mondiaux au détriment des intérêts stratégiques de la Libye et de ses voisins ». Cette réunion, a-t-il dit, «s'inscrit dans le cadre de la réactivation des résolutions du Conseil de sécurité relatives à la crise libyenne et des recommandations de la conférence de Berlin » qui ont mis en avant l'importance du rôle des pays voisins. « Cette étape cruciale de l'histoire de la Libye exige de nous un soutien absolu et un travail concret qui lui permettent de préserver sa souveraineté, son intégrité territoriale, l'ensemble de ses capacités pour mettre un terme à toutes les ingérences étrangères dans ses affaires internes », a-t-il conclu. Ce à propos de quoi, la MAE libyenne, Najat Al Mangoush, a affirmé que «nous œuvrons à la construction d'une partenariat stratégique avec les pays voisins ». Elle a déclaré notamment que « nous travaillons en permanence pour unifier notre armée(...), mais nous souffrons de ces ingérences étrangères destructrices qui enfoncent les pays dans les crises ». Al Mangoush lance que « nous avons besoins de sécurité pour tenir des élections démocratiques transparentes ». La MAE libyenne à l'organisation d'un congrès consultatif La cheffe de la diplomatie libyenne estime dans ce sens que « le processus sécuritaire et militaire est le plus important mais nécessite un soutien et une aide de la communauté internationale et des pays voisins pour qu'on puisse unifier notre armée sous un seul commandement ». Elle appelle aussi à «l'application des résolutions onusiennes particulièrement la 2570 et la 2571 et des recommandations de la conférence de Berlin ». Elle veut que la communauté internationale et les pays voisins « aident la Libye à organiser un congrès consultatif » entre les différentes parties en conflit. Elle présente en substance une requête de 6 points pour revendiquer «l'unification des avis et positions des pays voisins, une coordination avec les pays voisins pour assurer la sécurité de nos frontières, un programme alimentaire avec l'aide des pays voisins(...), le règlement du phénomène migratoire(...), des programmes de formation, le soutien à l'initiative pour la stabilité de la Libye ». Lamamra lui a promis que ses propositions «importantes» allaient être discutées dans l'après midi d'hier. Juan Kudis, le représentant du SG de l'ONU a fait savoir à l'assistance qu'il a été récemment en Libye pour « discuter avec des autorités de l'avancement du processus politique qui doit mener à la tenue d'élections transparentes, à instaurer la sécurité et à préserver les droits de l'Homme ». Il va droit au but en exigeant pour cela des responsables libyens de mettre en place « dans les prochains jours je le souhaite- un cadre constitutionnel et juridique pour pouvoir tenir les élections le 24 décembre prochain ». Il recommande au parlement libyen de finaliser la loi électorale, « il ne nous reste plus de temps », a-t-il relevé. « Les députés doivent prendre leurs responsabilité pour finaliser ces textes dans les délais requis », a-t-il demandé. Il a fait savoir que « la commission électorale a recensé 2,86 millions d'électeurs dont 43% sont des femmes » mais réclame l'inscription de Libyens à l'étranger (...), la commission doit œuvrer pour assurer la transparence du processus électoral ». Kudis demande en outre aux organisations régionales et internationales d'envoyer des observateurs en Libye «au moment opportun». Les exigences du représentant du SG de l'ONU Le responsable onusien veut que « certaines actions doivent être entreprises par le gouverneur de la Banque centrale libyenne pour centraliser les finances du pays» en affirmant que «le gouvernement consensuel et le conseil présidentiel ont affirmé leur soutien à ce processus». Il pointe du doigt -comme tous les participants- la présence des mercenaires et des forces étrangères et recommande « leur départ ainsi que l'application de la résolution onusienne 2570 et le respect du cessez le feu décrété le 23 octobre 2020». Il fait part dans ce sens, du lancement prochain d'un plan de travail par les 5+5. Il appelle à soutenir la Libye pour le désarmement de toutes les parties en faction et ce, pour «réussir la réconciliation nationale» en citant l'expérience algérienne à cet effet. Il demande à la communauté régionale et internationale d' «élever le niveau de leur implication dans le contrôle des flux humains et ce pour que la Méditerranée ne soit pas une route meurtrière». Il appelle en outre les pays voisins à «surveiller et gérer les frontières dans le cadre des conventions et des lois régissant les droits de l'Homme». Il indique que «l'ONU veut réactiver les conventions multilatérales dans ce sens»notamment pour «la Libye, le Tchad et le Soudan afin de faire face aux groupes terroristes et à la contrebande». Le SG de la Ligue des Etats arabes a déclaré pour sa part que la réunion d'Alger est « une occasion pour examiner les entraves qui empêchent de mettre en œuvre la feuille de route du processus politique». Pour lui «toute hésitation dans ce sens déprimera davantage le peuple libyen». Il appelle à «mettre un terme à la concurrence pour aboutir à un consensus notamment durant ces derniers mois de l'année, pour lever les entraves qui risquent de retarder les élections». Il estime comme tous que « le retrait des mercenaires et des forces étrangères est une exigence pour la stabilité de la Libye, il faut en finir avec les ingérences étrangères dans les affaires internes de la Libye, il faut unifier les institutions libyennes» et considère que «celles militaires et sécuritaires sont prioritaires». Pour le commissaire de l'UA des affaires politiques, pour la paix et la sécurité, «cette réunion est un effort africain pour régler des problèmes africains, la réunion des pays voisins est une plateforme et un canal important pour la concertation entre les pays africains». Il a appelé « le gouvernement libyen à travailler avec les pays voisins» en les assurant que « l'UA apportera pour cela les moyens nécessaires».