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Hors contrôle
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 19 - 05 - 2022

«Je pense toujours à cette rivière quelque part, avec cette eau qui coule vraiment vite. Et tous ces gens dans l'eau, qui essaient de se raccrocher les uns aux autres, qui s'accrochent aussi fort qu'ils peuvent, mais à la fin c'est trop difficile. Le courant est trop puissant. Ils doivent lâcher prise, se laisser emporter chacun de son côté ».
Kazuro Ishiguro - Prix Nobel littérature 2017 (Auprès de moi toujours).
La période des fêtes, qu'elles soient religieuses ou nationales, publiques ou privées, est un moment propice pour le rapprochement familial. Et même si nul ne choisit sa famille, les anciennes photos de familles nous restituent des souvenirs précieux et nous rappellent de qui on tient tel ou tel trait physique, ou tel ou tel tempérament. Cette passion des racines est freinée, parfois, par la peur de l'emprisonnement et de l'étouffement, et encouragée, d'autres fois, par le désir d'appartenance. La vie est dure, la solitude anémiante mais le prix à payer pour faire partie, aimer et se sentir aimé, est trop lourd. Ces servitudes imposées par nos proches et ce droit volé par eux sur nos vies, nos choix et nos convictions contrebalancent, immédiatement, la recherche continue de sécurité, de paix, de soutien et d'épanouissement.
De tout temps et à toutes époques, aucune culture, aucune nation ni groupement humain, ancien ou nouveau, archaïque ou moderne, minuscule ou étendu, ne peut ni ne veut se passer d'une famille, petite ou grande, glorieuse ou indigente, noble ou roturière. La famille est un sujet sensible, l'évoquer nous contraint à citer la nôtre, celle où on a grandi mais aussi, peut-être, celle qu'on aurait aimé avoir, avec nos lots de regrets d'avoir subi, d'espoir que la réelle se confonde avec l'idéale.
La famille est une structure de relations hiérarchisées, tacites ou convenues, organisée de façon à attribuer un rôle pour chacun. Toute structure suppose une certaine force et stabilité, mais celle-là, particulièrement, est fragile, aux contours fluctuants et liens incertains. C'est une réalité complexe où on nait, on grandit et à qui on appartient. On se doit, par observance des belles manières ou juste politesse selon Schopenhauer, la subir tout en imposant ou en espérant trouver la juste distance entre compromis et désirs, entre vide et proximité, entre culpabilité et être soi-même, entre affirmation et déni, entre antipathie et affinité qui nous permet d'être prés sans trop l'être, loin sans trop l'être, afin de jouir du bonheur familial sans les inconvénients de l'intrusion.
La famille, creuset de conflits interminables selon les constructions intellectuelles de tous bords, subie l'adversité du temps et de l'espace et accepte, forcée finalement, que l'innéité de ses liens, tant défendue par Aristote, ne va plus de soi, elle se trouve mise à mal, par la théorie de l'utilité selon Socrate. Les liens familiaux se nourrissent de l'utilité, de services réciproques, suggérant, pour ceux qui veulent de la considération, de se rendre utile et bienveillant.
La famille est, par-delà son caractère conflictuel, le lieu privilégié des contraires absolus, entre personnalisation et socialisation, ou encore privatisation et normalisation et est même fragilisée par le souhait d'autonomie et de construction de l'identité personnelle, par le divorce et le rejet de la famille du rôle traditionnel. Elle reste comme même debout par le rôle, nodal, de la parenté dans la construction de soi et le but, suprême, reconnu par tous, de la construction d'un monde commun, de valeurs partagées et de convictions collectives.
Dans cette fournaise de sentiments ravageurs où se mêlent amour et haine, affection et désaffection, les parents aiment plus leurs enfants qu'ils ne sont aimés eux-mêmes, les mères aimeraient plus leurs enfants que les pères en se fondant, probablement à tort, sur la souffrance, momentanée, subie pour enfanter. Cette hiérarchie naissant de la théorie de la dysmétrie entre les liens des pères et ceux des mères, s'étendraient, dans le même sens, aux branches paternelles et maternelles. La famille, loin d'être un espace harmonieux, est attaquée souvent de l'extérieur. Il existe, une sorte de complémentarité entre la famille et les amis, nous croyons pouvoir, ainsi compenser ce qui manque dans l'un par ce qu'il y a dans l'autre, mais il faut le reconnaitre, il y a aussi de la rivalité, l'un tente de déloger l'autre.
Le déclin de l'autorité parentale est une réalité et les parents, jadis modèles, aujourd'hui censés être, au moins, conseillers de leurs enfants, se restreignent à être une source de financement de besoin, et cette sorte de révolte, cette demande, assumée et croissante, d'émancipation, laisse pourtant les enfants tiraillés entre le besoin de sécurité et celui d'indépendance. Il reste déraisonnable de croire, quelle que soit l'époque, que les enfants détiennent l'expérience nécessaire et sont suffisamment outillés pour gérer convenablement les difficultés de la vie et construire un avenir prometteur sans l'apport de leurs parents. L'échec en toute entreprise est amer. L'échec familial l'est plus. Il est, au-delà de l'amertume, indeconstructible, destructeur et alimente en nous, continuellement et peut être définitivement, un ressentiment nuisible, indescriptible, contre nous même, contre ceux que nous connaissons, contre même ceux que nous ne connaissons même pas.
La mémoire familiale doublement ambivalente, d'abord par opposition du passé et du présent, ensuite par négociation et cohabitation des mémoires paternelles et celles maternelles, est nécessairement appropriée, revisitée et réinterprétée par chaque individu pour se construire une parenté sur mesure, des fois, proche de la réalité, d'autres fois, rêvée et imaginaire ou encore mythifiée. Cette subjectivation du vécu familial soutient la relation en dépit des blessures passées, car elle reste tournée vers le présent. Elle nous permet la remémoration comme l'oubli, l'inventaire comme la sélection, elle nous permet, en fait, d'aller d'arrangement en arrangement et d'accommodement en accommodement pour ne plus se rejeter, ne plus se détester, mais de réparer pour se pardonner.
La famille, croit-on, engendre, protège et éduque, elle est en fait à la tâche d'une seule charge : transmettre, sans garantie aucune, au milieu de rêves inconsidérés et de déceptions insoupçonnées, de secrets inavouables et de traumatismes inavoués, un modèle à incarner ou à assumer. Dans ce tumulte inextricable, elle arrive à inventer une harmonie impalpable et à tempérer des haines normalement insurmontables et des rivalités inconciliables. La famille a pu distinguer l'importance du voyage, considérer le bonheur comme finalité et à décréter les chemins de la vertu comme unique moyen d'y arriver. La famille sait se démarquer de cette croyance d'être une prison, c'est plutôt un refuge, c'est un port d'attache sécurisant. Ce n'est pas une limite mais une extension, un horizon. Elle n'est ni une secte, ni une condamnation à vie, elle n'a de sens que si elle projette ses membres vers l'extérieur.
Croire finalement que la famille c'est pour la vie est un contre sens, nous avons tendance à négliger ce qui est de l'ordre de l'acquis, du définitif. Non, la famille ce n'est que pour un temps, il va falloir profiter non seulement par l'aimer, mais, aussi et surtout, par le dire haut et fort : famille, je vous aime.


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