Le Maroc a-t-il perdu ses privilèges liés à un statut d'allié sûr des pays européens, et de la France particulièrement, au sud de la Méditerranée ? Exempté de toute remarque sur le volet des droits de l'homme et la liberté de la presse durant ce dernier quart de siècle, le Maroc a été épinglé le 19 janvier par le Parlement européen (PE) pour non- respect de la liberté d'expression et la liberté des médias dans le pays. Les eurodéputés demandent également au Maroc de «garantir aux journalistes incarcérés un procès équitable». Une résolution qui a complètement déboussolé le royaume, habitué qu'il était à la complaisance de certains membres de cette Assemblée secouée ces derniers temps par des scandales de corruption impliquant selon des témoignages accablants, justement, le Maroc (enquêtes en cours). Et ce n'est pas vraiment cette résolution qui inquiète le Makhzen, qui a plus à se soucier de l'ouverture du dossier des violations des droits humains dans les territoires occupés du Sahara occidental. Et il y a encore plus à tourmenter le Makhzen dans ses relations avec la France. Durant près de deux ans, les relations entre le Maroc et la France sont froides et elles sont devenues glaciales ces derniers mois. Tous les efforts du lobby marocain pour opérer un dégel dans les relations entre les deux pays sont demeurés vains. La France a-t-elle compris où se trouvent réellement ses intérêts ? Le rapprochement avec Alger en dit long sur le changement de cap de la politique extérieure de la France, basée désormais sur le pragmatisme du président Macron, qui est en train de couper doucement mais sûrement avec la vision africaine de tous ses prédécesseurs. Est-ce que cette perte de vitesse de la diplomatie marocaine a quelque chose à voir avec le retour en force de l'Algérie sur la scène internationale ? A voir certains donner expressément conseil au président français de ne pas tout miser sur l'Algérie, et qu'il faut privilégier les relations franco-marocaines plutôt que les relations franco-algériennes, on est tenté de croire qu'il n'y a qu'une seule option à prendre par la France sur ce registre diplomatique. Le président français a bien tenté de faire l'équilibre dans ses relations avec le Maroc et l'Algérie, mais il n'est pas arrivé à concilier sa diplomatie dans ce sens, parce que le Maroc voit d'un mauvais œil la bonne entente entre Paris et Alger. On a essayé, côté marocain, de trouver des arguments à cette mésentente avec la France, dont la réduction des visas accordés aux Marocains, ou encore l'affaire de l'utilisation par le Maroc du logiciel Pegasus pour espionner le président Macron, mais on se rend compte que ce raisonnement ne fait pas le poids. Le quota des visas est revenu à la normale et l'affaire Pegasus a été réglée d'une autre manière avec le propriétaire du logiciel, qui a consenti à introduire une clause dans le contrat de vente contraignant tout acheteur à ne pas l'utiliser pour espionner le président ou tout citoyen français, mais les relations entre les deux pays ne se sont pas pour autant améliorées. Force est de croire, donc, au suicide diplomatique du Maroc qui juge ses relations avec d'autres pays selon leur disposition à rompre leurs liens de coopération et d'amitié avec Alger.