C'est au zénith de son rendement qu'il s'est choisi l'effacement comme voie ultime. L'on ne peut expliquer un tel choix- si c'en est un vraiment- que par un trait d'esprit venant d'une destinée, d'une nature j'ai envie de dire, à nulle autre pareille. Devant une telle optique, il n'appartiendrait à aucun de ceux qui l'ont eu en enseignant, de s'interposer à une échelle des valeurs qu'il a lui-même érigé en socle d'une vie dont il a, seul, le droit de mener à sa convenance. Tourner le dos au conventionnel- c'est son style- mène à convoquer son souvenir, de son vivant même, non pour le rappeler à ceux qui n'ont pas cette culture, mais pour le vivre autrement qu'il a été appréhendé, en parent d'abord et en enseignant ensuite et surtout. Je ne suis pas sûr qu'il va agréer d'être (ra)conté, même s'il en valide la substance, mais ce dont je suis sûr c'est qu'il accordera à ceux qui, comme moi, savourent son magnétisme marqué par la pérennité, le droit d'en parler comme patrimoine universel fait en personnage public, en d'autres termes un tournant incontournable, dans une vie qui ne lui a pas fait beaucoup de cadeaux. Ni ne nous a souri non plus. Une plume de poète ne le décrirait pas autrement, et un collimateur philosophe en verrait plus que ce qu'en a fait un destin : un homme conçu pour servir les autres et non pour s'en servir, pour balayer des contrées métaphysiques inconnues pour ceux consumés par les projecteurs d'une réalité éphémère. Un homme pour qui enseigner est un acte de foi, et se donner aux apprenants est une seconde nature. Ayant toujours de quoi éclairer une lanterne, refréner des sautes d'humeur, soulager d'un malaise ou compenser d'un manque. C'est à ce titre qu'il me prenait la main, enfant, pour rédiger une lettre à mon père, condamné à des distances qu'il n'avait pas choisies, et c'est au même titre qu'il libérait à l'envi un potentiel d'affection ponctué par une présence, allant de la proximité physique à ce qui l'excède. Les exemples, nombreux et diversifiés au demeurant, ne peuvent être décomptés. Si je n'étais pas dans les contextes d'alors l'enfant de prédilection, il avait la psychologie qu'il faut pour comprendre mes carences affectives difficiles à décrire. Il a fait époque dans ma vie et d'une certaine façon il continue à le faire. Nostalgique de son être aux facettes multiples, fécondes pour dire les choses justement, je garderai en tout cas beaucoup de ces moments de transcendance qui faisaient de lui le rempart à tout ce qui n'allait pas dans ma vie. Né un 20 décembre1941, à Foukarine (Ouled Thair, wilaya de Sétif), celui qui sera, pour sa génération, le maître absolu du fait pédagogique, Abdelhakim BENABID aléas Chikhou, c'est de lui qu'il s'agit, entama sa scolarité à Zemmourah (Bordj-Zemoura actuellement), durant l'année 1948/1949, sous l'enseignement d'un certain Di Stefano. Parti avec ses parents de Zemmourah à Bordj, en 1957, il intégra ce qui s'appelle aujourd'hui le groupe scolaire Benbadis est. Ayant comme enseignant M. AMARA. À la même période (ce que je n'ai pu vérifier), il connut un passage d'un an à Maoklane, où un certain M. BLANCHARD l'aurait eu comme élève. Entre les années 1958 et 1960, il connut un passage au CNET de Bordj-Bou-Arréridj. À partir de l'année 1960, il rejoindra l'école d'administration de Constantine qu'il quittera en 1963, pour intégrer le corps enseignant. À la deuxième quinzaine du mois de novembre1963, il sera recruté comme maître d'école à Tazrourt (El Ksour) du côté de Yachir, dans l'ouest constantinois. Soumis à un mouvement de rotation dû au statut provisoire, il se verra muté à Bir-Aissa, une contrée à l'est de Bordj-Bou-Arréridj, où il passera trois années. À son insu, son oncle Hamoud interviendra auprès de l'administration locale, pour le rapprocher des siens. Phase de quintessence qui mettra en avant ses potentialités professionnelles et les valeurs auxquelles il ne cessera jamais de croire. Le 21septembre 1966 sera le jour de sa mutation, dans les mêmes fonction et statut, à Zemmourah qu'il ne quittera, pour les périphéries bordjienne d'abord et algéroise ensuite, qu'au début des années quatre-vingt-dix. Son parcours d'enseignant sera entrecoupé, pas interrompu puisqu'il le reprendra, d'un passage dans la vie politique qui le verra arraché à sa vocation initiale, pour être élu comme président d'APC de Bordj-Zemoura, de 1979 à 1984. Il refusera sa reconduction pour le mandat d'après. Coulant ses jours de retraite dans la piété, en n'ayant à s'offrir que le silence de la nostalgie, le grand homme qu'est Sidi Hakim rappelle à plus d'un titre la symbolique d'un parcours, et le déroulement d'une vie passée à construire des générations qui, même en lui vouant un respect révérencieux, ne l'identifient qu'au minimum qui lui est dû. Gérant son face-à-face avec le monde dans la sérénité d'une conscience tranquille, au grand dam d'une sociologie qui n'a pas la culture de la différence, encore moins de l'exception, il continue à assumer ses optiques en n'ayant rien à se reprocher, ou presque. Nullement en mal de reconnaissance, il se l'est ménagée déjà jeune, il se nourrit de son œuvre édifiée durant son existence, par le relais de générations, devenues pour la plupart des cadres hissés aux sommets de la référence. Ceux dont la fidélité est un composant caractériel, un gage d'éducation et un signe d'originalité s'en souviennent, les autres . *Dr - Enseignant chercheur/ Université de Sétif 2