Un ami qui venait de partir en retraite me confiait récemment qu'il prenait bien soin, aussitôt réveillé le matin, de courir vers sa salle de bains pour se raser la barbe, «car si je me laisse aller trois jours, bonjour les dégâts» ! «Une barbe de trois jours, est-ce que c'est grave, docteur» ? Ces vénérables petits poils, en tous cas, sont très différents dans leur signification d'une barbe fournie qui, elle, est l'expression masculine, soit d'une philosophie «baba cool» de la vie, soit d'un engagement religieux ou idéologique, soit, au contraire, le symptôme d'un abandon de la lutte pour le pain et le bonheur quotidiens. On peut expliquer une barbe de trois jours de plusieurs façons : 1/comme une simple déprime ou paresse passagère, 2/comme un moment de décontraction loin des rigides convenances sociales, 3/comme la marque, chez l'homme adulte, d'une certaine esthétique virile. Mais une barbe de trois jours peut aussi être le signe annonciateur d'une crise plus sérieuse qui viendra progressivement noircir, qu'à Dieu ne plaise, les joues et les cœurs. Quant aux visages glabres, ils n'indiquent pas forcément une bonne santé psychologique, mais ils témoignent assurément d'une autodiscipline et d'une volonté (aussi minimes soient-elles) qui sont synonymes d'estime de soi et de respect des autres, comme pourraient l'être des cheveux bien coiffés et des chaussures bien cirées. Aujourd'hui, seuls les militaires, dans tous les pays du monde, restent rigoureusement attachés à ces règles (que certains trouveront surannées) de «bonne tenue».
