Le projet de loi de finances 2024 confirme encore une fois le caractère social de l'Etat algérien, fidèle à l'un des principes fondateurs de la Déclaration du 1er Novembre 1954. Mais à bien réfléchir, l'Etat peut-il soutenir un effort financier colossal, avec des dépenses affectées au chapitre du social probablement les plus élevées des pays à revenus équivalents ? Si l'Etat, en tant que régulateur, a pour responsabilité d'assurer la sécurité alimentaire du pays, c'est manifestement l'huile de coude qui manque le plus pour que nous puissions arriver un jour à manger ce que nous produisons de nos propres mains. La folle sarabande des prix face à l'effort laborieux des pouvoirs publics pour réguler un marché presque incontrôlable, les services du ministère du Commerce travaillent en flux tendu pour limiter de l'érosion du pouvoir d'achat des Algériens. Sans mettre en doute la volonté des pouvoirs publics de combattre les spéculateurs de tout acabit, la sempiternelle rengaine du non-respect des prix plafonnés ne convainc plus les Algériens. Loi économique élémentaire, le seul moyen de lutter efficacement contre les pratiques spéculatives, le monopole des marchandises et les pénuries, c'est d'inonder le marché. L'autre solution qui nécessite un «courage politique», celle de libérer les prix et soutenir directement les couches sociales défavorisées. Le débat public ne date pas d'hier, entre controverse et polémique, sur l'abandon des subventions généralisées est un pas que l'Etat n'a pas encore franchi, tant les avantages et les inconvénients de cette mesure ne sont pas encore bien cernés par tout le monde. La politique sociale volontariste de l'Algérie a atteint ses limites, puisqu'il suffit de se rendre compte qu'il est injuste de faire payer la baguette de pain ou le sachet de lait au smicard au même prix qu'un milliardaire. L'Etat subventionne de nombreux produits alimentaires de base mais également l'électricité, l'eau, le gaz et l'essence, le logement, la gratuité de l'éducation et des soins. C'en est trop pour les finances publiques et surtout contreproductif pour réapprendre à l'Algérien à gagner son pain quotidien à la sueur de son front. Le ministre du Commerce, Tayeb Zitouni, a déjà révélé qu'une analyse est en cours des structures de prix de certains produits de consommation et leur comparaison avec les prix sur les bourses mondiales. L'objectif est d'arriver à un juste équilibre entre les prix réels et les prix subventionnés, et ainsi permettre au marché de s'autoréguler « sans interventionnisme » de l'Etat.