La lutte de libération nationale contre un ennemi ayant à sa disposition tous les moyens modernes pour le combat, nous a incité à mieux prédire ses intentions et la progression de son armée. Le Colonel Si Abdelhafid Boussouf dit Si Mabrouk qui dirigeait la Wilaya V réfléchissait déjà aux divers moyens de transmissions en raison des distances importantes entre les wilayats, les zones, les régions et l'Etat Major où il était devenu très difficile pour le tissal (agent de liaison) d'assurer ses liaisons. La question des communications était essentielle. Pourtant de nombreux problèmes étaient à surmonter : matériel, personnel à instruire, réseau à mettre en place et à animer dans un environnement hostile.Le Colonel Abdelhafid Boussouf au cours des discussions sur les problèmes de la Wilaya V a fait part du projet d'implantation d'un Réseau des transmissions qui consisterait à recueillir des messages radios de l'ennemi puis à mettre en place des liaisons radio. En 1956, Le Colonel Abdelhafid Boussouf avait chargé Si Seddar d'aller à Oujda et trouver un poste radio perfectionné pour commencer à écouter l'ennemi C'était en avril 1956, qu'il avait chargé Si Seddar son compagnon d'aller à Oujda et trouver un poste radio perfectionné pour commencer à écouter l'ennemi. Celui-ci a trouvé un poste à bande étalée sur des fréquences de chalutiers et cela tombait à la limite des bandes qu'utilisait la gendarmerie française aussi bien au Maroc qu'en Algérie.Grace à ce poste au début, nous avons capté des messages de la gendarmerie coloniale de Ain Temouchent et de Tlemcen, c'était des messages fort intéressant diffusés en phonie.Au fur et à mesure s'est constitué autour de Si Omar Telidji, ancien officier des transmissions dans l'armée française, une équipe ayant des idées très claires dans le domaine des transmissions. Il fallait former des Moudjahidines pour capter et transmettre le morse. La grève des étudiants Mai 1956 a permis d'avoir un vivier de jeunes volontaires qui ont rejoint le Maquis pour libérer le pays. C'est de ce vivier que sortaient les premiers Opérateurs Radio, dont la formation consistait à savoir manipuler et lire le morse, utiliser le matériel radio et le dépanner le cas échéant.Il fallait aussi former des chiffreurs et une équipe pour la confection des cartes de chiffrement. L'opérateur radio lors de son affectation devait en plus de son matériel, recevoir une carte de chiffrement. Toutes nos correspondances radios étaient chiffrées. Des centres de chiffrement se sont développés pour la fabrication de différentes cartes de chiffrement pour l'Etat-major, les zones, les Wilayas, le GPRA (Gouvernement Provisoire de la République Algérienne), etc. Si Seddar qui était chargé par Si Mabrouk d'organiser un centre d'écoute a choisi le local et les installations qui allaient servir pour l'écoute ennemie. Ce premier centre comportant une dizaine d'appareils était installé en pleine ville de telle sorte que l'on ne puisse pas détecter sa présence.Le 8 Janvier 1957, le service d'écoute commença à travailler d'une manière rationnelle.A l'instar du centre d'écoute de l'ouest, celui de l'est était mis en place pour intercepter le trafic des unités françaises à l'est du pays.L'écoute de l'ennemie était une source d'information bien significative et importante autant à l'ouest qu'à l'est. Du côté est, l'écoute opérationnelle a été développée avec des postes situés en général dans des grottes creusées en face des postes frontaliers français.Avec l'écoute VHF on pouvait suivre le trafic radio opérationnel des français, de véhicule à véhicule, de poste à poste, de fixe à mobile, de mobile à fixe, etc.Les centres d'écoute aussi bien à l'ouest qu'à l'est avaient pour mission de capter l'ensemble des réseaux français : militaire et administratif, on les dénommaient « Service de Contrôle Radio » S.C.R.. Nos autorités bénéficiaient ainsi d'informations de première main : B.R.Q. (bulletin de renseignements quotidien) B.R.H. (Bulletin de renseignements hebdomadaire) B.R.M. (bulletin de renseignements mensuel).Des petits centres d'écoute annexes étaient implantés dans des endroits très proche des frontières Ouest et Est. Cela permettait de suivre également des discussions en phonie entre militaires français lors d'accrochages avec les unités de l'ALN.Les réseaux ennemis de la gendarmerie et des SAS étaient très opérationnels et méthodiques. Les gendarmes étaient les premiers à intervenir dans les villes, les campagnes ou agglomérations.Ils étaient bien équipés, leurs effectifs étaient recrutés parmi les pieds noirs qui connaissaient et maîtrisaient aussi bien l'arabe que le kabyle. Ils recueillaient et donnaient les renseignements des actions de nos Moudjahidines et fidais à leurs chefs hiérarchiques. Ces derniers retransmettaient ces informations aux autorités civiles des chefs lieux, sous préfecture, préfectures et armée. Dans nos centres d'écoute les récepteurs radios étaient allumés 24 heures sur 24heures pour suivre le trafic et l'importance des informations. On était absorbé par les ondes radio et on cherchait à capter le moindre signe, prendre le message, connaître son contenu afin de déterminer les intentions de l'ennemi.La récolte de l'information était importante en qualité et en quantité car les informations que donnaient les français étaient considérables, elles consistaient en : Prévisions d'activités des différentes unités de l'armée ennemie, telles des opérations de ratissage et de fouille, déplacements de troupes, des interventions aériennes, etc., avec précision des lieux, dates et heures, ce qui permettait à l'Etat-major de communiquer par voie de radio-transmissions aux unités de l'A.L.N. concernées toutes ces prévisions ennemies par messages codés afin de prendre leurs dispositions et éventuellement déjouer et transformer certaines pour les rendre à notre profit. Informations utiles permettant à notre Etat-major de savoir parfois que l'ennemi était déjà au courant de certaines de nos prévisions, comme tentatives de passages de frontières à partir du territoire marocain ou tunisien à des lieux traduits par leurs coordonnées sur la carte et aux dates précises. Cela nous permettait de suspecter l'origine de l'information : soit l'existence de traitres au sein de l'A.L.N. soit le déchiffrement de nos messages par les services ennemis, ce qui devait donner lieu à l'annulation du passage de nos troupes ou changer le point et l'heure du passage. D'autres informations importantes notamment sur l'identité des informateurs étaient également données. Bilan des activités et opérations menées par les unités françaises. Chaque unité française devait envoyer en fin de journée à son poste de commandement son bulletin de renseignements quotidien (B.R.Q.). Analyses et synthèses transmises aux chefs de régions militaires ou aux différents préfets. Instructions et directives données à l'intention des différentes unités de l'armée ou des différents départements de l'administration. Ceci nous permettait de rédiger un bulletin de guerre (B.G.) à l'intention de la radiodiffusion pour ses émissions quotidiennes. « ici la radio de l'algerie libre et combattante. la voix du front de liberation et de l'armee de liberation nationale vous parle d'algerie » Ainsi que pour le journal « EL MOUDJAHID » et par la suite l'agence de presse « ALGERIE PRESSE SERVICE » (A.P.S.). ( A suivre)