De sit-in en sit-in et de contestation en contestation, toutes les corporations professionnelles, ou presque, ont fini par obtenir gain de cause, non sans mal. Les grèves en Algérie étaient toujours reconnues lorsqu'elles étaient justifiées. Généralement c'étaient des grèves de courtes durées et pour revendiquer quelques petits accessoires telles que les primes de panier, de déplacement ou de nuisance. Ce fut un temps où les travailleurs, hormis quelques privilégiés, étaient satisfaits de leurs salaires parce qu'ils leur permettaient de vivre décemment et d'être à l'abri du manque, tant la vie en elle-même n'était pas chère. En ces temps là on ne parlait pas autant du pouvoir d'achat parce que le prix de la viande (blanche ou rouge), du poisson, ainsi que celui des fruits et légumes ne faisaient pas frémir ni donner froid au dos. Tous les Algériens ou presque, mis à part les autres, mangeaient, même occasionnellement, des fruits après les repas. Durant le mois de Ramadhan les ménagères ne serraient pas les dents quand il fallait mettre la main au porte monnaie. Lors des fêtes de l'Aïd El-Fitr les enfants étaient habillés tout de neuf. La friperie, on ne connaissait pas. Tous les Algériens ou presque étaient joyeux et ne manifestaient aucun signe de mécontentement. Les travailleurs, quant à eux, ne demandaient pas le départ de leurs responsables. Ils étaient exigeants certes, mais à juste titre et les problèmes se réglaient d'une manière ou d'une autre. Or aujourd'hui les sit-in, les contestations et les grèves de longues durées sont devenus à la mode, surtout en ce qui concerne les augmentations de salaires, et avec un effet rétroactif à partir de janvier 2008, s'il vous plaît ; ce qui supposerait que depuis trois ans tous les travailleurs algériens, tous secteurs confondus, sont sous payés, donc lésés. Cependant, il y existe une autre catégorie d'Algériens qui n'a jamais observé de sit-in, ni fait grève. Ces Algériens sont ceux qui ont trimé toute leur vie sans contester leurs salaires, travaillant le plus souvent dans des conditions inacceptables aujourd'hui. Ces Algériens sont tous ceux qui ont relevé le défi après 1962. Aujourd'hui ils sont tous à la retraite avec une pension misérable pour laquelle ils doivent poiroter des heures durant des guichets de poste où l'argent manque le plus souvent. Les augmentations qui leur sont accordées ne dépassent guère les 4%, au moment où l'on accorde jusqu'à 30 % avec effet rétroactif à partir de janvier 2008 à tous ceux qui ont manifesté leur mécontentement. Les frustrés ce sont ces retraités. Bien qu'insatisfaits, il ne leur est jamais venu à l'idée d'observer un sit-in. N'ouvrent-ils pas droit, eux aussi, à une revalorisation de leurs pensions pour qu'ils puissent relever leurs têtes et se débarrasser de ce sentiments de frustration qui ronge leur intérieur ?