A chaque affichage d'une liste de bénéficiaires de logements sociaux, c'est souvent la colère, la protestation et parfois l'émeute. De quoi s'agit-il ? Comment en est-on arrivé là ? Le problème de logement ne lasse pas de laisser colère et dégoût parmi les Algériens. Plusieurs manifestations se sont éclatées dans plusieurs villes d'Algérie contre les listes de bénéficiaires de logements sociaux. Ainsi, les listes des logements sociaux qui ont essayé de redonner le sourire à cette population n'auront pas réussi leur mission puisqu'un nombre de demandeurs de logement a décidé de manifester leur colère, la dernière semaine, exigeant l'annulation de la liste . Malgré les plans successivement mis en place par les gouvernements depuis vingt ans, la crise du logement persiste et dure. Comme toutes les crises, elle constitue un révélateur des dysfonctionnements de notre société le président, Abdelaziz Bouteflika. Tout au long de sa campagne électorale, il a mis en avant ses «grands projets» et notamment la réalisation de 1,3 million de logements, réceptionnés pour la fin 2009. Mais la crise de l'habitat a atteint une ampleur insoupçonnée, sur fond de corruption, et menace l'équilibre précaire de la société algérienne. En 2010 le gouvernement qui a promis 3 millions de nouveaux logements doit désormais faire face au phénomène de violence engendré par ces attributions. Au mois de février 2011, un mois après les émeutes de janvier qui ont fait 5 morts, le Président de la République avait exhorté le gouvernement à accélérer « l'affectation à travers les wilayas de l'importante quantité de logements sociaux locatifs déjà réceptionnés » et faciliter « aux citoyens l'accès aux crédits immobiliers ». Il semble que les pouvoirs publics aient pris le Président au mot. Non sans provoquer des dégâts. Le scénario est devenu classique : dès que les autorités locales affichent une liste de bénéficiaires, la population se rassemble, conteste, crie à l'exclusion, dénonce les passe-droits et se révolte. Pour endiguer la colère, les pouvoirs publics ont dû faire appel à la police-émeutes mercredi 22 juin, dans la commune d'El Madania (ex Clos-Salembier), quartier populaire et populeux sur les hauteurs d'Alger. La liste de 80 logements socio-locatifs venait d'être rendue publique. Aussitôt, les habitants se rassemblement devant le siège de la daïra. la police est dépêchée sur les lieux. Une femme s'offusque que son nom soit biffé de la liste alors qu'on lui avait promis un toit. Son histoire est un condensé de ce drame que vivent des milliers d'Algériens. Veuve avec quatre enfants à charge, elle a perdu son mari décédé d'une crise cardiaque. Lassé des promesses non tenues, le cœur de celui-ci a lâché. Depuis 17 ans, la famille vit dans une seule pièce sans eau courante. Quartier d'Hussein Dey, à l'est de la capitale, même misère, même crise, tensions identiques. Ici, plus de 500 familles attendent un toit depuis 20 ans, voire 25 ans. Alors quand les services de la mairie affichent une première liste de 60 logements sociaux, c'est la déflagration. Les exclus occupent le bâtiment de l'administration. Munis de piles de dossiers, ils veulent voir le Wali pour contester les attributions. La police est là pour contenir la foule en colère. Le Wali reçoit un groupe de protestataires, promet de « faire quelque chose », mais les recalés menacent d'enflammer la rue. Dimanche 26 juin. Daïra de N'Gaous, dans la Wilaya de Batna, à l'Est de l'Algérie ; là encore, le scénario est le même. Une liste de 163 logements sociaux, affichée une semaine plutôt, provoque une émeute. Les sièges de la mairie et de la daïra sont envahis par les contestataires. Les deux bâtiments sont endommagés, des membres du personnel de l'administration sont légèrement blessés. La gendarmerie intervient, tire des bombes lacrymogènes pour disperser les manifestants. Exclu de l'opération, un couple tente de se suicider en se jetant du haut d'un pilier électrique. A Relizane, à Ain Timounchent, à El Bayadh, à El Eulma, à Tissemsilt, les mêmes opérations d'attributions engendrent les mêmes scènes de colère et de réprobation. Si ce phénomène n'est pas nouveau, il n'a pas moins pris des proportions alarmantes au cours des deux dernières années. Au mois d'octobre 2009, le quartier de Diar Echems, une favela située à un jet de pierre du siège de la Présidence, s'embrase pendant plusieurs jours. Raison de cette poussée de fièvre : l'habitat précaire. Dans ce bidonville construit en 1958, à l'époque coloniale, 15 mille âmes s'entassent dans des conditions de vie absolument effroyables. Malgré les engagements des autorités de reloger les habitants, d'éradiquer l'habitat précaire, des milliers de familles continuent de vivre dans ces « cages à poules ». Certes les autorités ont annoncé la construction d'un million et demi de logements entre 1999 et 2009 et la réalisation d'un autre million avant l'année 2014, mais la crise persiste. Elle semble plutôt s'aggraver au fil des ans. Non seulement ces chiffres difficilement vérifiables (tantôt on évoque 2,5 millions, tantôt 3 millions d'unités) sont loin, très loin, de répondre aux attentes, mais l'affectation des logements achevés provoque à chaque fois une levée de boucliers. C'est que non seulement la population maugréait contre le nombre d'habitats disponibles, mais elle conteste les modalités et les conditions de leur attribution. Et immanquablement, les autorités locales sont accusées de favoriser des privilégiés, d'accorder des logements aux amis, aux clients, au détriment que ceux qui sont dans le besoin. Conclusion, écart sans cesse croissant entre l'offre et la demande en matière de logement d'un côté et l'accroissement de nombre de logements vides non attribués ou inoccupés.. D'où le questionnement à l'origine de cette crise de logement, quelle définition donnée à la notion de crise de logement dans l'Algérie d'aujourd'hui ?