En 1849, en pleine milieu de la nuit, les misérables occupants des grottes sont tirés de leur sommeil par le bruit de plusieurs bûcherons qui s'activent dans le voisinage de la grotte. Les indigènes se précipitent pour sortir de leur refuge. Tandis qu'une haie de soldats armés jusqu'aux dents, les têtes coiffées de casques, les pieds chaussés jusqu'aux genoux, leur barrent l'unique issue de la cavité. Instruits des méthodes des nouveaux maîtres de l'Algérie, désormais, les occupants de la grotte savent que leur vie se compte en minutes. En effet, le sinistre général Cavaignac avait donné l'ordre à ses officiers, notamment au colonel Pélissier : « D'enfumer les occupants dans leur grotte comme des gredins. » Un vieillard squelettique, le dos arqué, une main levée en l'air et l'autre appuyée sur une houlette, sort de la grotte en titubant, pour parlementer avec les assaillants. Il voulait leur indiquer que la grotte ne contenait que des femmes et enfants. Les occupants du refuge portent tout leur mince espoir sur les fragiles espoirs sur épaules d'un vieillard quasi mourant. Tandis qu'ils le suivent du regard, sous leurs yeux, le parlementaire est abattu, décapité, sa tête fichue au bout d'une pique qui sera agité à l'entrée de la grotte pour terroriser et contraindre ses occupants à aller se réfugier vers le fond. Tandis que les enfants hurlent de toute la force de leurs innocences, les adultes psalmodient des versets du Coran, les soldats coloniaux dressent un bûcher devant la seule issue de la grotte. Le colonel Pélissier ordonne de mettre le feu au Bûche. A l'intérieur de la grotte, les pleurs d'enfants et les récits des versets coraniques sont d'abord saccadés par la fumée, ils diminuent progressivement jusqu'à l'extinction complète. Une fois le silence imposé à l'intérieur de l'excavation, le bûcher éteint et la caverne refroidie, les soldats pénètrent à l'intérieur pour extraire les dépouilles, en majorité des femmes et des enfants. Les 750 corps inertes seront d'abord alignés dans une clairière située à la sortie de l'antre. « Séparer les corps de leurs idées noires » ordonne encore le général Cavaignac à ces subordonnés, notamment au colonel Pélissier. Les corps seront décapités avant d'être abandonnés aux chacals et à autres charognards. Il y avait des témoins audio et oculaires à l'extérieur de la grotte enfumée qui écoutaient observaient le crime colonial contre l'humanité. Pourquoi la décapitation des dépouilles? Vue par le général Cavaignac, les têtes des victimes algériennes seraient le seul réceptacle des idées noires, des péchés. Une fois les victimes tuées dans les conditions qu'on vient de voir, leur décapitation tendrait à leur assurer une hypothétique place au paradis. Pour les indigènes, les assassins ont décapité leurs victimes pour ne pas être reconnus le jour du jugement dernier. N'y a-t-il pas là la preuve d'un choc entre deux cultures? Pendants les rudes hivers algériens, assieds sur des nattes autour d'un foyer, alors que les mères servent : glands et causses de kharoub… pour tromper la faim de leurs enfants qui crient famine, les pères narrent les cruels méfaits d'un colonialisme « civilisateur. » En 1832, selon plusieurs sources concordantes, le taux d'alphabétisation en arabe des indigènes était de 35%. Les sources précisent qu'il était plus élevé que celui des envahisseurs. Suite à 132 ans de colonisation de l'Algérie par la France, en 1962, plus de 90% des algériens étaient analphabètes et illettrés bilingues. Cette histoire m'a été narrée oralement, d'analphabètes à analphabètes. C'est la raison pour laquelle j'ai nommé ma note : Mémoire sans écritures. En revanches, j'ai consulté plusieurs ouvrages historiques pour la recouper autant qu'il est encore possible et pour situer, à quelques années et encablures près, ces événements dans leurs : contextes, espaces temps. Ma note tend a inviter les descendants des bourreaux et des victimes, à méditer ensemble aux fins de rétablir la vérité historique et de rendre une justice posthume aux victimes du colonialisme et demander pardon aux Algériens. Fhemt ya Kaddour ? Aya A demain Saha Ftourkom