Bien des Algériens ont changé leur façon de se nourrir. Que l'on ne s'étonne pas si à Hassi Messaoud, le caviar coule à flots. En plus ils consomment tout et de tout. Prions pour que les Chinois, qu'ils soient les bienvenus, ne leurs inculquent pas les bienfaits de la viande de chien. A moins qu'ils ne tiennent fort aux préceptes de l'Islam qui interdisent la consommation de la chair du canidé. L'Algérien consomme tout. La figue de Barbarie, jadis laissée aux sans-le-sou, s'est vue élevée au rang de marchandise juste après l'indépendance. Aujourd'hui, elle s'achète et se vend à prix fort. Les épinards et la mauve, ce vert khoubbiz, n'avaient droit de cité. Ils étaient interdits de séjour sur les étals. Les asperges aussi. Et les gros lézards, ces fameux cherchmens de Oued Souf et Ouargla? Et les sauterelles de Biskra au goût de crevette séchée ? Les mûres et les jujubes, zouizef en algérien et personne n'en connait l'étymologie, cueillies par les enfants d'antan, sont léguées à ceux-là devenus vieux. Elles sont vendues au verre et même au poids. « Un kilo de jujubes ! » L'expression fait rire ces vieillards d'aujourd'hui. Tout passe dans la bouche : Les varans, les escargots, le scolymus hispanicus… Scolymus hispanicus ? C'est notre fameuse guernina, le chardon d'Espagne.L'Algérien consomme de tout. Le lait, jadis un produit de luxe, voilà que la vache hollandaise en a fait un produit de première nécessité. Le café qui dans les années 1940 fut remplacé par les pois chiches grillés est allé jusqu'à être subventionné par l'état. La viande d'autruche, locale en plus, est consommée depuis peu, mais elle y est. La limonade à l'ouest, gazouza au centre et monada à l'est est allée conquérir l'arc-en-ciel. Rouge, vert, jaune… Et tenez-vous bien, même en bleu et en rose, comme les tabliers de nos écoliers. Les champignons, le gruyère, la moutarde, les chocolats noir et blanc, l'huile de soja, le curcuma, l'ananas, le kiwi, les câpres, la mangue -la liste est longue- sont devenus communs. L'Algérien est devenu parcimonieux et même un peu pingre. Et pourtant personne ne voit d'invendu au marché comme en bord de route. Tout est cher et tout s'achète. La sardine est inabordable. Elle revient pour moins que rien aux bateliers qui dorment jusqu'à l'appel « Aux filets ! ». Et le peuple se plaint de la cherté de la crevette ! Qu'est-ce qui a fait que notre couscous quotidien soit négligé ? Oui, l'Algérien consommait du couscous chaque soir. Ou du berkoukès. N'incriminez ni la parabole ni l'ouverture vers l'étranger ni l'école. L'Algérien a évolué et se permet tout en se plaigant. A propos, consomme-t-on encore du chien à Oued Souf et Ghardaïa ? Pour des raisons de santé disaient-ils.