Le remaniement du GPRA (Gouvernement Provisoire de la République Algérienne), il y a de cela cinquante ans, ne fut pas une nécessité impérieuse. De l'avis des spécialistes, la nouvelle équipe ne changea pas de stratégie. Bien que les mauvaises langues aient prêté à Ben Khedda son intention de gauchiser davantage le FLN, la difficulté effective se trouva ailleurs. Du coup, le choix fut porté sur Ben Khedda. Ainsi, il y a 50 ans, l'allié d'Abane Ramdane au premier CCE (Comité de Coordination et d'exécution), devint le deuxième président du GPRA. Hélas, ce choix ne permit pas d'apaiser les tensions entre le GPRA et l'EMG. En effet, en signe de désapprobation, les membres de l'EMG quittèrent la session du CNRA avant la clôture de ses travaux. Bien qu'il ne reçoive pas beaucoup de coups des congressistes, le plus dur vint de l'un de ses membres. Selon Mohamed Harbi : « Pris de cours par les manœuvres de ses adversaires, s'estimant dupé par Ben Khedda, l'état-major doit encore affronter l'initiative de l'un de ses membres, le commandant Azzedine qui propose le retour de la direction de l'armée en Algérie. Le terrain de la discussion est déplacé. On pourra dire que la politique de l'EMG vis-à-vis du gouvernement est dictée par sa crainte de regagner le territoire national ». Cependant, le défi du gouvernement fut double. Le premier fut le maintien de la cohésion de la révolution. Il ne fallait pas que les maquisards intérieurs soient affectés par ces tiraillements. Le second consistait à amener les membres de l'EMG à se soumettre à la politique gouvernementale. Du coup, la stratégie de Ben Khedda fut de revenir au schéma de 1958 avec l'expérience des COMs. Avait-il les moyens de mettre en œuvre son plan ? Le rapport de force, et c'est le moins que l'on puisse dire, n'était pas en sa faveur. Ainsi, lors de sa visite à Ghardimaou, la direction provisoire de l'EMG lui réserva un accueil glacial. La détermination des membres de l'EMG de laisser telle quelle l'organisation finit par apporter ses fruits. Tout compte fait, Ben Khedda n'insista pas. Pour autant, il ne s'y résigna pas. Conscient du danger minant la révolution, Ben Khedda tenta de gagner les wilayas à ses vues. Il enjoignit, dans une note du 27 septembre 1961, aux chefs intérieurs de « cesser tout rapport avec l'état-major ». Cette tactique ne fut pas payante. En novembre 1961, il ne subsista plus de doute sur la victoire de l'EMG sur le GPRA. Le terrain étant balisé, Boumediene et ses adjoints rentrèrent juste après d'Allemagne. Ils rejoignirent du coup la base de Ghardimaou. Mohamed Harbi résume la suite en notant à juste titre : « Dans leur écrasante majorité, les officiers comprennent dès lors que selon le mot de l'un d'eux, « jouer le GPRA, c'est se retrouver dans le camp des perdants ». Cependant, à l'approche de la reprise des négociations, le GPRA tenta timidement de reprendre la main. Pour l'heure, l'EMG, bien qu'il ait été conscient de sa puissance, se limita à une simple opposition. Pour gêner l'action du GPRA, il n'hésita pas à créer des services parallèles à ceux du gouvernement. « A Tunis, les services d'information sont animés par le capitaine Ferhat qui s'installe dans un café proche du ministère de l'information et agit en concurrent de M'hamed Yazid », écrit Mohamed Harbi. Par conséquent, l'ouverture des négociations intervint sur fond de division. Bien que la France guette la moindre erreur à exploiter, le GPRA a su taire les divergences en vue de permettre au peuple algérien de recouvrer son indépendance. En ce sens, les négociateurs eurent une tâche doublement difficile. Pendant toute la période de négociation, ils travaillèrent sous pression. Beaucoup craignirent la rencontre du CNRA pour entériner les accords. Après le cessez-le-feu, la plupart cédèrent la place. Saad Dahlab fut un cas illustrant. Et cela anticipa la prise du pouvoir par l'EMG rejoint par Ben Bella, une devanture civile. En conclusion, le troisième GPRA, présidé par Ben Khedda, a honoré sa mission. Cinquante ans après, ses efforts sont indéniables. La jeune génération doit reconnaitre la valeur de ces hommes ayant permis à l'Algérie de vivre dans la souveraineté. A suivre