Dans l'histoire de la révolution algérienne nous avons tendance, à oublier certaines personnalités, qui ont marqué par leur parcours l'histoire du pays. Ces personnalités ont été éclipsées du jour au lendemain, pour n'entendre presque plus parler d'eux, alors qu'ils ont été partie prenante, dans les accords d'Evian. Ces personnalités sont uniques, de par leur combat politique à un moment difficile traversé par le peuple qui avait mis tout son espoir en eux réussissant à réaliser l'impossible c'est-à-dire à donner au peuple algérien l'indépendance. Né le 9 avril 1923 à Oued Zenati (Wilaya de Guelma) au Nord-Est de l'Algérie, Taïeb Boulahrouf est issu d'une famille extrêmement pauvre. Très tôt il découvre la nécessité du combat nationaliste et s'engage dans la lutte politique. C'est en effet dès l'âge de 15 ans qu'il commence à vendre le journal El Ouma du PPA, ce qui lui a valu d'être chassé de l'école. Et lorsque la guerre d'Algérie éclate, il réorganise avec Ahmed Djelloul les cellules du parti à Annaba et Guelma. Il organise les manifestations du 1er mai 1945 à Annaba. Arrêté, il bénéficie de l'amnistie de mars 1946. Il devient alors un responsable important dans l'organisation du PPA-MTLD sous les ordres de Mohamed Belouizdad. A l'occasion des élections d'avril 1948 à l'Assemblée algérienne, il est de nouveau arrêté. À sa libération, il est affecté en Oranie. Appréhendé une fois de plus en avril 1950 lors de la découverte de l'Organisation Spéciale (OS), il est libéré un an après. En août 1951, il entre au comité central avant de devenir en 1952 membre du comité directeur de la délégation permanente du MTLD en France. Il milite ensuite au sein du Front de libération nationale (FLN) en France avant d'être représentant du GPRA à Rome en 1958. Après l'indépendance, Tayeb Boulahrouf, a été nommé ambassadeur d'Algérie successivement à Rome, Lima, Bucarest, Buenos Aires, La Paz et Lisbonne. En automne 1960, Tayeb Boulahrouf, au nom du FLN, il prend contact avec le diplomate suisse Olivier Long et lui demande de sonder le gouvernement français. Après en avoir référé à Max Petitpierre et obtenu de lui l'autorisation de le faire « à titre personnel, sans engager la Confédération », Long contacte le ministre français des Affaires algériennes, Louis Joxe. Une première rencontre a lieu le 20 février 1961 en Suisse centrale : elle réunit Ahmed Boumendjel, Tayeb Boulahrouf, Bruno de Leusse et Georges Pompidou. Parallèlement, une autre filière se met en place, à la faveur de la concurrence régnant au sein du gouvernement français entre ministres désireux de s'illustrer dans la conclusion de la paix en Algérie : le Premier ministre Michel Debré « double » son propre ministre des Affaires algériennes en chargeant son émissaire personnel, Claude Chayet, de rencontrer à Genève le ministre des Affaires étrangères du GPRA, Saad Dahlab, de l'époque par l'entremise de Charles-Henri Favrod. De rencontres clandestines en négociations officieuses, la France et le FLN finissent par convenir de négociations officielles, qui s'ouvriront le 20 mai 1961 à Evian, une localité répondant à l'exigence française que la conférence se déroule sur le territoire national, et à la volonté des Algériens de résider en terrain neutre. Les représentants du FLN seront pris en charge et protégés par les autorités helvétiques et amenés chaque jour à Evian par des hélicoptères de l'armée suisse. Après cinq mois de dialogues de sourds, les négociations sont rompues. La diplomatie « secrète » reprend le pas sur la diplomatie officielle, et c'est dans un chalet jurassien, aux Rousses toujours à la frontière franco-suisse que les tractations reprennent, les délégués algériens convoyés par des policiers suisses, la résidence vaudoise de la délégation algérienne placée sous la surveillance de l'armée fédérale. Le 18 mars 1962, enfin, Louis Joxe et Krim Belkacem signent les accords qui mettent fin à huit ans de guerre et à 130 ans de colonisation. Chronologie : Le 28 novembre, le Chef du Département politique fédéral, M. le Conseiller fédéral M. Petitpierre, rencontre Boulahrouf, à titre personnel. Le 16 et le 23 décembre 1960, d'autres rencontres auront lieu avec les helvétiques Malgré l'échec de Melun, les négociations reprendront et dans cette perspective, les dirigeants algériens voudraient renouer le dialogue avec la France, mais un dialogue ouvert, sans préalables et sans les conditions limitatives de leur liberté d'expression et de mouvement qui les avaient contraints de quitter Melun. Boulahrouf est chargé de cette mission d'exploration par Ferhat Abbas. Celui-ci serait prêt à venir en Suisse pour y rencontrer une personnalité à qui il exposerait, avec toute l'autorité que lui confère sa situation. Questionné sur le choix de la Suisse, il dira : « que l'indépendance totale de notre politique, les efforts que nous avons toujours faits pour promouvoir la paix et contribuant à arrêter les conflits ou à en adoucir les rigueurs, la réputation d'intégrité et de discrétion de la Suisse, l'ont imposée aux dirigeants algériens comme le seul pays pouvant intervenir avec quelque chance de succès. Le 19 janvier, Boulahrouf prend note, de la réaction positive de Paris après les nombreuses tractations Suisse, Boualhrouf utilisera toujours la suisse, c'est-à-dire de la personnalité suisse qui verrait Ferhat Abbas et transmettrait propositions et réponses de part et d'autre jusqu'à ce que les bases d'une négociation utile aient été définies et précisées. Le 23 et 26 janvier, Boulharouf, Celui-ci a des doutes provenant du fait que Pompidou n'a pas de fonctions officielles en France. Le 19 février, à la faveur de la nuit, comme il convient à des conspirateurs, les émissaires, au nombre de deux de chaque côté seront reçus. Pour la France, il y a Pompidou, banquier et homme de confiance du Général de Gaulle. il arrive, accompagné de Bruno de Leusse, le directeur des affaires politiques du Ministère des Affaires Algériennes. Du côté algérien, c'est Boumendjel, avocat au barreau de Paris et directeur politique du Ministère de l'information du GPRA, qui vient avec Boulahrouf, l'homme des missions secrètes. Les Algériens se déclarent très satisfaits de la qualité de leurs interlocuteurs. Boumendjel dira avoir trouvé en Pompidou un interlocuteur qui voit large, en ajoutant : « C'est tout autre chose qu'à Melun ». De leur côté, Pompidou et de Leusse seront impressionnés par Boulahrouf en qui ils ont trouvé un homme sérieux, raisonnable et bien documenté. Il est intéressant de revenir à l'homme qui n'a pas ménager ses efforts pour un aboutissement de la solution finale et dont on peut dire qu'il a été un acteur des pourparlers, d'où la signature des accords d'Evian par Krim Belkacem, l'on rapporte qu'il aurait rédigé ses mémoires et dont le titre selon ses vœux serait : Lettre à mes enfants. Il décèdera à l'âge de 84 ans, et sera enterré au cimetière d'El-Alia, près de sa femme, selon ses vœux. “Pour l'Algérie ce sera une grande perte, car il aura été durant la révolution à la hauteur de la mission qui lui a été confié et l'on doit se rappeler de cet homme extraordinaire qui a réussi l'impossible et dont le nom restera gravé à tout jamais au panthéon des grands martyrs.