Hadjadji Mohamed, âge 42 ans. Né à Mostaganem. D'emblée, il se présente comme natif de la ville de Sidi Abdellah sur laquelle il n'a aucun droit et dans laquelle il n'a jamais acquis ses droits. Il croit dur comme fer que la citoyenneté de la ville de Mostaganem et l'acte citoyen passent avant ses droits. Ce sont des devoirs. Intarissable, Mohamed ne réfléchit pas comme ceux-là que l'on croise sur les boulevards et avenues des grands bourgs, devant les guichets des administrations, les stades, les aéroports, les grands restaurants et les complexes « à touristes ». Mohamed, malgré son statut de citadin d'une grande et belle ville, il a la mentalité de ceux-là qui font de l'Algérie un beau pays dans le fond. La beauté dans la forme a été détruite, justement, par ceux-là qui ignorent ce qu'est être citoyen responsable. Mohamed remercie Allah et l'Algérie de lui permettre de profiter tant qu'il est sur terre de la beauté de ce pays qui l'a vu naître. Heureusement, dit-il, que mon pays a ses services de douanes, ses forces armées et sa police, que je salue bien bas et que je respecte plus que tout autre chose au monde. Comprenez ce que vous comprenez. Moi, j'ai compris que Mohamed n'aime pas l'anarchie. Et il le dit : J'aime l'ordre et la discipline. Comment l'ai-je rencontré ? Mohamed est un marcheur-né. On voit à l'allure que le temps presse pour le retour. Il fait souvent Mostaganem-Oran d'un trait, soit 160 kilomètres, et en un temps respectable. Mostaganem-Sidi Ali, c'est du gâteau : 80 kilomètres. Autre chose. C'est sous un soleil de plomb, au début de ce mois d'août que le timide m'a accordé quelques minutes de son temps précieux. Divorcé, père d'un enfant, il vit chez son père. Comme il est de la majorité silencieuse de l'Algérie profonde, comme je l'ai déjà dit, il me parle de droits et de devoirs, mais avec le langage d'antan. Un langage révolu e qui n'a plus cours. Le langage du nif et de la dignité. Mohamed est sans emploi. Il rêve d'un toit. Mais ce qu'il dit est étonnant. Vous croyez que je vais faire le pied de grue chez ceux-là pour qui j'ai voté pour nous servir ? C'est à eux de venir vers nous. C'est eux les responsables, pas nous. Ils nous connaissent tous et savent bien ce que nous endurons. Jamais vous ne me verrez quémander mes droits. Je fais mon plus grand devoir : aimer mon pays Je fais mon plus grand acte citoyen : j'aime Mostaganem à en mourir. Je me vois mal casser à Mostaganem, comme le font d'autres, pour un rien.