Il y a dix-huit ans Mohamed Boudiaf tombait à Annaba sous des balles assassines, alors qu'il animait un meeting. Au début de l'année 1992, les terroristes commençaient à enfoncer le pays dans le chaos. Seul le langage de la mitraillette se faisait entendre. La bête immonde commençait à faire ses premières victimes. Le pays était à feu et à sang. La banalisation de la violence menaçait de plus en plus les fondements de l'Etat. Les responsables du Haut Comité d'Etat voyaient en Si Tayeb El-Watani un homme, d'allongement historique, capable de tenir le gouvernail du bateau Algérien. Répondant à l'appel de la patrie .Son premier objectif freiner la violence et l'éradication du terrorisme, Boudiaf, comptait aussi rompre avec les anciennes pratiques de ses prédécesseurs en engageant des réformes tous azimuts. Six mois après son intronisation, il sera assassiné en plein meeting à Annaba, le 29 juin 1992. parcours d'un héro Membre fondateur du Front de libération national (FLN) et un des chefs de la guerre d'indépendance algérienne, il entre en opposition contre les premiers régimes mis en place à l'indépendance de son pays, et s'exile durant près de 28 ans. Rappelé en Algérie, en 1992 en pleine crise politique, à la tête de l'Etat, il est assassiné quelques mois après ses prises de fonction. Mohamed Boudiaf est né le 23 juin 1919 à Ouled Madi dans l'actuelle wilaya de M'Sila en Algérie. Après avoir effectué ses études à M'sila, il devient fonctionnaire et occupe une fonction dans l'administration. Adjudant dans l'armée française, en 1942, durant la Seconde Guerre mondiale, il est commis au service des contributions à Jijel, puis est envoyé sur le front en Italie où il participa à la bataille de Monte Cassino ainsi que Krim Belkacem qui était Caporal, Larbi Ben M'Hidi qui était Sergent, Rabah Bitat (qui servaient dans des divisions différentes donc à cette époque ces hommes ne se connaissaient pas). Après les massacres de Sétif de 1945, il s'engage dans les mouvements nationalistes algériens, et adhère au Parti du peuple algérien (PPA) de Messali Hadj, puis participe à la création de l'Organisation spéciale (OS), branche armée secrète du Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques (MTLD)1. Vers la fin de 1947, il en constitue une cellule pour le département de Constantine. L'OS est démantelé par la police française en 1950, et avec les autres membres dirigeants de l'organisation, il est jugé et condamné par contumace pour ses activités militantes. En 1952, il est muté en France par le MTLD où il milite au sein de la communauté immigrée algérienne. Il rentre en Algérie en mars 1954 et crée, avec huit autres militants, qui devinrent les « chefs historiques du FLN », avec pour objectif l'indépendance de l'Algérie par la lutte armée, le Comité révolutionnaire d'unité et d'action (CRUA) dont il est élu président. Après l'échec du CRUA, il fait partie, une nouvelle fois comme coordonnateur général, du « groupe des 22 », qui organise la préparation de la lutte armée désormais certaine. Titulaire de la carte n°1 du, Front de libération nationale (FLN), crée pour rassembler dans la lutte les différentes forces nationalistes, il est décidé comme date du déclenchement des « hostilités » le 1er novembre 1954 – date qui marque le début de la d'Algérie. A l'issue du congrès de La Soummam, en août 1956 il devient membre du CNRA (Conseil national de la révolution algérienne). Le 22 octobre 1956, il est arrêté, avec d'autres chefs du FLN, par l'armée française suite au détournement de l'avion civil marocain qui le menait vers la Tunisie. Il dirige alors depuis sa prison la fédération de France du FLN et est nommé en 1958 ministre d'Etat du Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA), à sa création, puis vice-président en 1961. Il est libéré le 18 mars 1962 après les accords d'Evian. Exil politique a l'indépendance en juillet 1962, il entre en désaccord avec Ben Bella, soutenu par le commandement de l'Armée de libération nationale (ALN) de l'extérieur, qui crée un bureau politique du FLN pour remplacer le GPRA3. Le 20 septembre 1962, alors que le bureau politique constitue la première assemblée nationale algérienne, Mohamed Boudiaf fonde en opposition son propre parti, le Parti de la révolution socialiste (PRS). Le 23 juin 1963, il est arrêté, puis contraint à l'exil dans le sud algérien où il est détenu plusieurs mois avant d'être libéré. Condamné à mort en 1964 par le régime Ben Bella, il quitte l'Algérie et rejoint la France puis le Maroc. Il œuvre au sein de son parti et anime à partir de 1972 entre la France et le Maroc plusieurs conférences où il expose son projet politique pour l'Algérie, et anime la revue El Jarida. Son livre Où va l'Algérie, qui livre un témoignage lucide sur l'après-indépendance et la prise du pouvoir par les militaires, résume ses propositions politiques. En 1979, après la mort de Houari Boumédiène, il dissout le PRS et va se consacrer à ses activités professionnelles en dirigeant à Kénitra au Maroc une briquèterie. Retour en Algerie Le 2 janvier 1992, après la démission du président Chadli Bendjedid , Mohamed Boudiaf est rappelé en Algérie pour devenir le président du Haut Comité d'Etat, en charge provisoire des pouvoirs de Chef d'Etat. Par son long exil, il apparaissait en effet paradoxalement comme un homme neuf, non impliqué dans les tribulations de la dictature algérienne et donc susceptible de sortir le pays de l'impasse. Souhaitant une Algérie démocratique tournée vers la modernité, il disait vouloir mettre fin à la corruption qui gangrenait l'Etat. Mais Mohamed Boudiaf est assassiné six mois plus tard, le 29 juin 1992, lors d'une conférence des cadres qu'il tenait dans la ville d'Annaba. Un sous-lieutenant du groupe d'intervention spécial (GIS), Lambarek Boumaarafi, jeta une grenade et toucha mortellement le président. La motivation de son assassinat est sujet à controverse, entre la piste d'une action isolée commise par un militaire ayant des sympathies islamistes et celle d'un complot plus vaste impliquant des généraux de l'armée6. Sans faire la lumière sur l'assassinat de Boudiaf, la commission d'enquête instituée par le gouvernement algérien écarte la thèse de "l'action isolée" d'un officier de l'armée ayant agi pour des motifs strictement religieux.