Ils, et elles, sont des dizaines d'infortunés que le sort a décidé de leur faire finir leur vie dans un asile de vieillards où leur offre le gîte et le couvert. Coupés de leur famille, souffrant de l'absence totale de toute intimité et privés de la chaleur familiale. C'est cette dernière qui semble leur manquer le plus, en juger par les longs soupirs qui entrecoupent leurs confidences. Ceux qui n'ont jamais eu d'enfants souffrent moins que les autres. Ceux-ci ne comprennent pas, et nous non plus, comment leurs filles et fils, qui sont les purs produits de leurs entrailles, conçu dans la douleur, nourris, chéris, dorlotés et entourés de tous les soins, parfois en se privant eux-mêmes pour les satisfaire, ont-ils pu les oublier après les avoir abandonnés et/ou carrément jeté de leur domicile devenu subitement trop exigu. « Bnat hlal pourtant, Dieu m'est témoin… » Tenait à préciser la vieille dame, qui ne put refouler ses larmes. Chacun et chacune des femmes et de ces hommes ont une histoire à raconter ; toutes aussi poignantes les unes que les autres. C'est la bouleversante histoire de la septuagénaire que nous appellerons R'kia que nous choisi de vous narrer. A 16 ans, c'était déjà une femme… Khalti R'kia avait été mariée à 16 ans avec Miloud, un jeune ouvrier agricole du voisinage. On est déjà une « femme » à cet âge-là pour les gens de son douar natal. Elle ne mit pas beaucoup de temps à mettre au monde deux filles. La première eut le prénom de la grand-mère de Miloud, la seconde hérita de celui de la mère de R'kia. Le travail de la terre mari décida un jour d'aller chercher du travail dans la ville. Quelques mois plus tard, il fit venir ses rois femmes qu'il héberge dans une baraque construite à la périphérie de l'agglomération et R'Kia trouve un poste de femme de ménage dans une école. Au prix de gros efforts et de nombreuses privations, le couple emménage, avec ses deux filles dans une maison en dur. Le temps passa et la famille s'installe dans un vaste appartement que devient sa propriété. Il a été acheté grâce aux économies réalisées au prix de gros efforts. Ils ont réussi à donner une instruction à leurs filles avant de les marier en leur choisissant à chacune d'elle un type de bonne famille. Un jour, ce qui devait arriver arriva. Miloud, usé par le dur labeur de docker, rendit l'âme à l'âge de 49 ans. Il s'est endormi comme d'habitude, sans s'être plaint d'une quelconque douleur, mais c'était pour ne plus se réveiller. Khalti R'kia c'était trouvée, désespérément seule dans un appartement devenu subitement beaucoup trop grand pour elle. Les visites des deux filles devenaient de plus rares. Elles avaient chacune une famille qui prenait tout leur temps. Des voisines venaient l'aider de temps à autre et bénéficiaient de sa générosité. Khalti R'kia finit par s'habituer à sa nouvelle situation de veuve esseulée. Victime de l'ingratitude de « bnat hlal» pourtant Un jour, la vieille dame reçoit la visite de sa fille cadette, venue lui proposer de s'installer chez elle. Elle pourrait être bien prise en charge tout en bénéficiant de la chaleur familiale au milieu de ses petits enfants. Khalti R'kia n'en attendait pas moins de sa fille préférée. Si tôt dit, sitôt fait. Le gendre se mobilisa un vendredi, aidé de deux copains, il procède à l'emménagement de celle qu'il la considérait comme sa mère, lui disait-il. L'appartement devenait désormais inutile. On suggère donc à Khalti R'kia de le vendre par crainte, lui ont-ils dit, qu'il soit squatté par des énergumènes du voisinage qui n'avaient pas caché leur convoitise. Si tôt dit, sitôt fait. Le F3 du rez-de-chaussée fut cédé au premier venu, contre une somme inférieure à sa valeur réelle, mais assez coquette pour le gendre. Avec le « onsentement » de sa belle-mère, le gendre entreprit des travaux d'aménagement dans sa maison de maître et échangea son vieux tacot contre une belle voiture neuve. Celle-ci, pour faire visiter sa seconde maman les mausolées des marabouts et la conduire aux sources thermales qu'elle aime tant. Mais rien ne déroula comme prévu. Trois mois plus tard, la fille de R'Kia meurt dans un accident de la route, heurtée par un chauffard. Une semaine à peine après le deuil, le gendre aborda Khalti R'kia, pour lui signifier, sur un ton sec, qu'elle était chez sa fille et que sa fille étant morte, elle ne pouvait plus rester plus longtemps chez lui. La vieille dame, très digne, prit son baluchon et rendit chez sa seconde fille qui refusa carrément de lui ouvrir la porte. Elle lui reprocha d'avoir donné tout l'argent de la vente du F3 à la cadette. Khalti revint chez une de ses anciennes voisines qui l'hébergea pendant quelques jours. Dans un second sursaut d'orgueil, la vieille sortit un jour la maison hôte pour rejoindre le centre de vieillards où elle « attend de rejoindre sa fille »