4,7 millions de réfugiés. 4,7 millions de personnes privées de leur terre par l'armée israélienne et qui disposent d'un droit inaliénable : le droit au retour. Trois vagues successives de réfugiés Sur cette base qui faisait le lit du sionisme, s'est écrite l'histoire des réfugiés, en trois vagues successives : 1948, 1967 et depuis, avec la colonisation ininterrompue. Chaque fois, la communauté internationale proclame le droit, tant il est évident, mais elle ne fait rien. A– La première phase: 1947/1949, le coup de force : L'enchaînement dramatique des évènements (1) n'a rencontré que l'irresponsabilité de la communauté internationale (2). L'enchainement dramatique des évènements Novembre 1947 : Le plan de partage: Le document qui a été la base de tout, alors qu'il n'a aucune force juridique, est la résolution 181 (III) du 29 novembre 1947. Il s'agit d'un projet de plan de partage, adopté sous forme de recommandation au motif que « que la situation actuelle de la Palestine est de nature à nuire au bien général et aux relations amicales entre les nations »… Le projet sioniste de 1897 et l'engagement de Balfour sont intacts, mais avec un impact renouvelé du fait de l'holocauste. Et quel est le poids des Palestiniens au siège de l'ONU ? La résolution ne donne ni ne crée rien : elle recommande. L'Assemblée Générale : « Recommande au Royaume Uni, en tant que Puissance mandataire pour la Palestine, ainsi qu'à tous les autres Etats Membres de l'Organisation des Nations Unies, l'adoption et la mise à exécution, en ce qui concerne le futur gouvernement de la Palestine, du Plan de partage avec Union économique exposé ci-dessous. » Juridiquement, il ne s'est rien passé : qu'est-ce qu'une recommandation ? Mais politiquement, l'ONU, qui n'ignore rien du processus en cours sur place, sait que cet acte sera le prétexte qui déclenchera tout. La lecture de cette résolution ne manque pas d'intérêt. D'abord, parce qu'elle définit les limites d'une nouvelle Palestine, amputée mais viable, loin de la situation de 2010. Ensuite, parce que trois articles traitant des droits de minorités retiennent l'attention au regard des événements qui surviendront. « Article 2. – Il ne sera fait aucune discrimination, quelle qu'elle soit, entre les habitants du fait des différences de race, de religion, de langue ou de sexe. « Article 3. – Toutes les personnes relevant de la juridiction de l'Etat auront également droit à la protection de la loi. « Article 8. – Aucune expropriation d'un terrain possédé par un Arabe dans l'Etat juif (par un Juif dans l'Etat arabe) ne sera autorisée, sauf pour cause d'utilité publique. Dans tous les cas d'expropriation, le propriétaire sera entièrement et préalablement indemnisé, au taux fixé par la Cour suprême ». Intéressant aussi le chapitre 3 qui traitait de la citoyenneté à partir du principe de nationalité par le sol : « Les citoyens palestiniens résidant en Palestine, et les Arabes et les Juifs qui résident en Palestine deviendront citoyens de l'Etat dans lequel ils résident et jouiront de tous les droits civils et politiques, à partir du moment où l'indépendance aura été reconnue ». Il était prévu un régime particulier pour les habitants de Jérusalem et diverses possibilités d'option, pour les habitants qui voulaient choisir un Etat autre que celui dans lequel il résidait. Mai 1948 : le départ des Britanniques et la Nakba: Sur place, la résolution du 29 novembre 1947 a libéré la force des sionistes, avec le jeu des Britanniques préparant ouvertement la proclamation de l'Etat d'Israël. Le départ des Britanniques, prévu pour juillet, a été avancé au 14 mai, les groupes sionistes activant la stratégie de la Haganah, soit la violence pour s'imposer. Les massacres et les expulsions massives ont commencé dès le mois d'avril, et l'un des faits les plus dramatiques a été le massacre du village de Deir Yassin, le 9 avril. Les Britanniques sont partis le 14, et le jour même, l'Etat d'Israël est proclamé, avec un déchaînement de violence. Un plan systématique, avec une volonté simple : détruire ce qui existe, pour dire qu'il n'existait rien. C'est la Nakba : plus de 500 villes et villages passent sous contrôle israélien, des morts par milliers et 750 000 Palestiniens qui doivent fuir. Un peuple est expulsé de sa terre natale. C'est la première vague des réfugiés. Mai/Décembre 1948: Le statut de réfugié et le droit au retour : L'Assemblée générale de l'ONU adopte alors une nouvelle résolution, la 186 du 14 mai 1948, qui appelait à la fin de la violence et nomme un médiateur. Arrivé sur place, le comte Folke de Bernadotte découvre la situation des réfugiés palestiniens et dans son premier rapport en juillet 1948, il affirme le statut de réfugié et le droit au retour. Il faudra assurer aux « populations arabes déplacées à la suite des opérations militaires le droit de rentrer dans leurs foyers ». « Ce serait offenser les principes élémentaires que d'empêcher ces innocentes victimes du conflit de retourner à leur foyer, alors que les immigrants juifs affluent en Palestine et, de plus, menacent, de façon permanente, de remplacer les réfugiés arabes enracinés dans cette terre depuis des siècles… ». Le médiateur de l'ONU a été assassiné le 16 septembre 1948 par des terroristes israéliens, mais la veille, il avait transmis les principes devant conduire à l'établissement de la paix, affirmant : « Il est toutefois indéniable qu'aucun règlement ne serait juste et complet si l'on ne reconnaissait pas aux réfugiés arabes le droit de retourner dans les lieux que les hasards de la guerre et la stratégie des belligérants en Palestine les avaient contraints à quitter. (…) Il convient de proclamer et de rendre effectif le droit des populations innocentes, arrachées à leurs foyers par la terreur et les ravages de la guerre, de retourner chez elles ». Le 11 décembre 1948 , l'Assemblée générale adopte la résolution 194 (III) reconnaissant le droit au retour des premiers réfugiés palestiniens. Il ne s'agissait pas là d'une recommandation, mais bien d'une décision. En son article 11, elle pose le principe décisif qui reste d'actualité : « Décide qu'il y a lieu de permettre aux réfugiés qui le désirent, de rentrer dans leurs foyers le plus tôt possible et de vivre en paix avec leurs voisins, et que des indemnités doivent être payées à titre de compensation pour les biens de ceux qui décident de ne pas rentrer dans leurs foyers et pour tout bien perdu ou endommagé ou en équité, cette perte ou ce dommage doit être réparé par les Gouvernements ou autorités responsables ». Cette résolution 194 est depuis constamment réaffirmée. Statut de réfugiés et droit au retour : tout est dit, mais rien ne sera fait, à part aggraver la situation pour rendre irréversible la politique du fait accompli, puissance militaire à l'appui. Il n'y a donc alors aucun doute, ni sur les faits, sur le droit, et les efforts des sionistes vont être de travestir les faits et de réécrire le droit. Les résolutions de l'ONU montrent qu'il n'y a jamais eu d'ambigüité sur la violation originaire des droits de Palestiniens, même si rien n'a été fait pour la corriger. Au contraire, on a assisté à un renouvellement des crimes et des violations du droit, les dernières violations commises étant en quelque sorte utilisées pour masquer les plus anciennes. 1948 ne suffisant pas, il y aura 1967, et 1967 ne suffisant pas, il y aura la colonisation. Sur le plan de l'analyse juridique, toutes les violations se cumulent, et elles reposent toutes sur le coup de force de 1948, qui était en germe dans l'accord entre les Britanniques et les sionistes en 1917. Les réfugiés sont les témoins de cette construction d'un Etat par la violation du droit. L'irresponsabilité de la communauté internationale Pour Israël, la reconnaissance par l'ONU: Le 11 mai 1949, Israël est devenu membre de l'Organisation des Nations Unies (33), après s'être engagé au respect des résolutions 181 (II) de 1947 et 194 (III) de 1948, la première reconnaissant le droit à l'autodétermination et la seconde le droit au retour des réfugiés. Bien sûr, il n'en a rien été. Et bien sûr aussi, l'ONU et la Communauté internationale n'ont rien fait, à part encourager la poursuite du crime par l'inaction et organiser des pourparlers de paix visant en réalité à conforter ce qu'Israël avait conquis par la force. Pour les Palestiniens, des structures inadaptées: Après le coup de force, et l'arrivée massive sur la scène internationale de ces 750 000 réfugiés, l'ONU a répondu par la création de deux structures, l'une chargée des aspects politiques, la Commission de Conciliation pour la Palestine (CCNUP), et l'autre du secours aux réfugiés (UNRWA). La CCNUP devait négocier alors que l'UNRWA assurait les services sociaux. Mais si l'UNRWA a fonctionné – l'organisme identifie à ce jour 4,7 millions de réfugiés – le système s'est trouvé en échec total, car rien n'a été fait de sérieux pour la négociation. La Commission de Conciliation pour la Palestine: La Commission de Conciliation pour la Palestine (CCNUP), placée sous la direction de trois membres du Conseil de Sécurité – les Etats-Unis, la France et la Turquie – devait, à partir des différentes résolutions et documents, convertir les armistices de 1949 en traité de paix. Une mission bien ambitieuse, et en réalité, une consécration du coup de force, dès lors que l'ONU reconnaissait Israël… mais ne donnait pas d'organe de représentation aux Palestiniens. Et cette situation durera jusqu'en 1974 ! La reconnaissance de l'OLP comme représentant du peuple palestinien n'interviendra que par les résolutions de l'Assemblée générale 3210 du 14 octobre 1974, et résolutions 3236 et 3237 du 22 novembre 1974. Dans le même temps, l'Assemblée générale de l'ONU a réaffirmé les droits inaliénables du peuple palestinien, y compris le droit à l'autodétermination, et a admis l'OLP à participer à ses travaux en qualité d'observateur. A suivre