Poignant de bout en bout. Tel a été le témoignage de Jean-Louis Planche hier à notre rédaction. Accompagné de Yasmina Belkacem, directrice de la communication aux Editions Chihab, l'historien français nous a tout dit ou presque sur l'un des épisodes les plus tragiques de la colonisation française en Algérie. Thème de son dernier livre intitulé Sétif 1945, Histoire d'un massacre annoncé, il nous relatera avec une précision déroutante les faits marquants d'une journée sanglante. Fruit de plusieurs années de recherche, ce livre rassemble une série de témoignages inédits sur les tenants et les aboutissants de la journée qui devait initialement marquer la victoire sur l'Allemagne nazie. De l'effervescence de Sétif le 7 mai 1945 jusqu'aux événements du lendemain, rien n'échappera à ce qui ressemble à l'une des enquêtes les plus profondes sur un sujet encore tabou aujourd'hui. « Les Algériens auront payé le prix d'un conflit franco-français », nous affirmera Jean-Louis Planche en allusion au conflit d'intérêts entre les multiples services de sécurité français. Les relations tumultueuses et parfois violentes entre gaullistes et pétainistes avaient rythmé la vie politique à cette période. Entrant dans le vif du sujet, l'historien et ancien professeur à Alger nous décrira, tel qu'on le lui a raconté, les faits qui ont poussé au début du massacre. Rassemblements des musulmans algériens dans les rues de Sétif, apparition des premiers drapeaux algériens seront à l'origine des premiers affrontements. Affrontements qui se feront au début à l'aide de simples armes avant que cela ne prenne d'autres proportions. C'est là que gendarmes et militaires se jetteront, parfois malgré eux, dans l'arène de la cruauté. Le feu est alors ouvert sur la foule. A l'aide de mitrailleuses et d'armes de pointe, des milliers de personnes seront ainsi exécutées. Même scénario épouvantable à Guelma où des milliers de groupes de tribus seront décimés par les tirailleurs sénégalais et l'aviation française. Une aviation qui utilisera les grands moyens pour faire taire une insurrection qui, selon l'historien, n'en était pas une. Au bout d'une heure et demie d'une discussion à la fois enrichissante et conviviale, Jean-Louis Planche s'en ira sans nous avoir tout révélé sur ces terribles incidents. Plus de soixante ans après les massacres qualifiés du 8 mai 1945, d'éminentes figures de l'histoire refusent toujours d'apporter leurs témoignages. Souvenirs trop poignants, devoir de réserve sont autant de raisons pour garder l'histoire au fond de ses méandres. Jean-Louis Planche, quant à lui, a décidé depuis longtemps d'extirper cet épisode du mutisme dans lequel il est plongé. Jeudi 21 Décembre 2006 Par Mohamed Khaled Drareni