Critiqué par les socialistes pour sa politique cultuelle, Nicolas Sarkozy défend, de bout en bout, ses choix. Au moment où la campagne présidentielle élargit ses thématiques, il s'est décidé à brosser son bilan dans le registre de « l'islam de France ». Au pas de course, le candidat UMP multiplie les activités. Jeudi, entre une sortie en banlieue parisienne et une causerie avec son état-major de campagne, il a rencontré tout ce que le paysage musulman de France compte comme représentants structurés ou non. Sous les ors de son siège ministériel, à un rond-point de l'Elysée, le ministre de l'Intérieur a accueilli, en réception, une bonne centaine d'hommes et de femmes issus du Conseil français du culte musulman (CFCM), de ses démembrements régionaux, du tissu associatif et de l'université. S'exprimant avec la casquette du ministre chargé du culte et de l'immigration, Nicolas Sarkozy s'est exprimé pendant une quinzaine de minutes. Entre lecture d'un document préparé et improvisation, il a sérié, en les qualifiant de réussites, quatre années d'action « au service du vécu de l'islam dans la République » et de la « diversité ». De l'expérience du CFCM, dont l'idée et la faisabilité ont été épinglées par le PS, Nicolas Sarkozy a retenu nombre d'éléments positifs. Au nombre desquels celui d'avoir conféré une dimension consensuelle à la représentation de l'islam en France. Bouclé en janvier 2003, quelques mois après sa nomination à la tête de l'Intérieur, l'épisode du CFCM a permis, selon lui, de doter la deuxième religion de France de représentants aux yeux des pouvoirs publics. L'évolution conflictuelle du CFCM à l'esprit, le ministre s'est gardé de créditer cette instance d'une représentativité de tout l'islam de France. Sarkozy « ne dit pas » que les cinq millions de musulmans de France - estimation récurrente - se reconnaissent dans l'instance présidée par le recteur de la Mosquée de Paris, Dalil Boubekeur. Mais, après une vingtaine d'années de tentatives et d'expériences au gré des alternances droite-gauche, elle a le mérite d'exister, selon lui. Et, aussi, de donner une visibilité à l'islam de France aux rencontres solennelles de la République, lors des cérémonies de voeux, de la fête du 14 Juillet et des consultations pour les besoins de préparation des lois ou de rédaction de rapports thématiques. Prenant à témoin tantôt Dahmane Abderrahmane, le secrétaire national UMP chargé des relations avec les associations, tantôt Dalil Boubekeur, le ministre s'est réjoui de la nature du rapport de la « république » à l'islam. Entre les deux, engagé dans un dialogue « fécond » et ininterrompu, les relations sont « paisibles et fortes ». Quitte à bousculer des idées reçues chez bien des chroniqueurs de l'establishment médiatique parisien, le ministre de l'Intérieur a fait état de l'existence de l'islamophobie chez nombre de Français. « La haine, la bêtise, l'intolérance existent. Il ne faut pas se le cacher. Elles sont le fait d'islamophobes, mais la France n'est pas islamophobe ». La rencontre de Sarkozy avec les représentants de « l'islam de France » - le ministre retient cette formule au détriment de celle de « l'islam en France » - survient quelques jours après la sortie d'un livre-pamphlet contre le candidat UMP. Dirigé par Eric Besson, le secrétaire national du PS chargé de l'économie, « Les inquiétantes ruptures de M. Sarkozy » - ainsi s'intitule-t-il - fait le procès du ministre. Une critique en règle qui dénonce tous ses choix, à commencer par sa démarche sur le terrain de l'islam. Faisant siennes les critiques déjà écrites et entendues dans les livres et les colonnes éditoriales, Besson accuse Sarkozy d'avoir enfanté un CFCM otage des intégristes de l'Union des organisations islamiques de France (UOIF, réputée proche du courant des Frères musulmans). Et comme pour mieux sonner la charge, le hiérarque socialiste inscrit au débit du ministre chargé du culte un bilan « lourd de menaces pour l'avenir de la France ». Ministre en charge du très passionné dossier de l'immigration, Nicolas Sarkozy a profité de sa rencontre avec un parterre aux origines étrangères pour se défendre contre les critiques lancées contre sa politique d' »immigration choisie ». Répliquant, sans le citer, à Jacques Chirac, l'orateur a revendiqué, une nouvelle fois, son concept US de « discrimination positive ». Dénoncée aussi bien à gauche comme dans sa famille politique, la discrimination positive s'est traduit, a-t-il tenu à rappeler, par l'entrée d'un Français d'origine algérienne dans le corps monocolore de la préfectorale. Nommé préfet de la Meuse en 2004, Aïssa Dermouche, en butte à des problèmes personnels, s'y est, entre-temps, retiré. En 2006, un autre préfet d'origine algérienne a été nommé et, pas plus tard que cette semaine, un universitaire « noir » de la région de Lille a accepté d'endosser l'uniforme bleu de la préfectorale hexagonale.