Devant la pénurie d'habitat que connaît notre pays, plusieurs mesures et initiatives, publiques et privées, sont venues apporter un début de réponse à cette crise particulièrement aigüe que vit une large frange de la population. Le programme présidentiel avait prévu un million de logements à construire sur un horizon de 5 années. Dans ce contexte notre ville a vu fleurir des immeubles ça et là dans des configurations ne répondant à aucune logique urbanistique mais répondant à l'impératif de disponibilité immédiate et conforme à la volonté présidentielle. Devant cette prolifération de programmes LSP, AADL et de toutes sortes de promotions immobilières privées, je n'ai pu m'empêcher de penser au devenir de ces bâtisses à l'instar de ce qui a été réalisé par le passé et qui est en souffrance aujourd'hui. Je pense, notamment ; aux cités : des 400 lgts, des 1000 lgts, des 600 lgts, de la cité des 80 lgts etc. Toutes ces réalisations se trouvent dans un état de délabrement assez avancé, notamment au niveau des façades, des espaces verts et des parties communes. Les appartements ne sont pas en reste puisque leur entretien et leur aménagement se fait au détriment de la sécurité générale. La transformation d'un appartement n'obéît à aucune réglementation et n'est contrôlée par aucune instance. Même si l'apparence de certains appartements est de belle facture, leur structure demeure une zone d'ombre et constituent un danger pour la sécurité de l'ensemble des habitants. La gestion de l'habitat collectif, au jour d'aujourd'hui, n'est pas réglementée. Le parc immobilier collectif ne dispose d'aucune réglementation régulant son fonctionnement, notamment tout ce qui a trait à : la sécurité, l'urbanisme et l'entretien des structures. Dans les pays développés, la notion d'habitation collective est encadrée, à la fois par un dispositif juridique complet et actualisé, ainsi que par un contrôle des services de l'urbanisme. L'enjeu majeur de ces dispositifs est la sécurité de tous les habitants. Une sécurité qui impose de valider toute modification de l'espace privé et commun afin de ne pas porter atteinte à la structure portante de l'immeuble. Ainsi, tout propriétaire est contraint d'obtenir les autorisations nécessaires pour effectuer toute transformation dans son appartement. Si la transformation est jugée dangereuse car affectant des murs porteurs ou des canalisations générales, elle est modifiée de suite voire abandonnée. Le contrôle est exercé à 2 niveaux : par les copropriétaires qui disposent d'un droit de regard et de validation pour toute modification, de l'espace privé ou commun, puis par les services de l'urbanisme qui interviennent rapidement pour valider ou non une transformation. Hormis l'enjeu de sécurité, la réglementation vise également le respect des règles d'hygiène et d'urbanisme. La question de l'hygiène est d'importance puisque son impact va au-delà de la communauté d'immeuble. Une cave mal non entretenue ou des locaux à poubelles non nettoyés et désinfectés constituent un prélude pour l'apparition et la propagation de maladies infectieuses. Il est courant de, nos jours, de voir des rats se balader dans les cages d'escalier ou aux abords des entrées d'immeuble sans qu'ils ne soient inquiétés par les riverains ou par les services de la ville. Des bestioles telles que les cafards, sont devenues partie intégrante des structures d'immeubles. La réapparition de la tuberculose, du choléra et de la typhoïde traduit ce délabrement et ce manque criant d'hygiène. La législateur doit imposer aux copropriétaires d'entretenir et d'assainir, si besoin est, les parties communes. La loi doit les contraindre à plus de responsabilité et charge à eux d'imposer ces mêmes règles à leurs locataires. A titre d'exemple, en France, la question est tranchée au travers du recours obligatoire au Syndic, organisme tiers mandaté par les copropriétaires pour tout ce qui est en rapport avec la gestion de l'espace commun. Les copropriétaires participent au financement de cette gestion, à hauteur du prorata (nombre de tantièmes) de leur propriété sur l'assiette foncière collective. De cette façon, la gestion de l'immeuble est assurée selon les règles en vigueur et l'entretien du bien commun est garantie. L'aspect urbanistique n'est pas en reste. La cohérence des structures collectives doit être en harmonie avec le paysage urbain environnant donnant à la cité un visage la caractérisant et lui conférant une identité. Ce dernier point, n'est, d'ailleurs, pas incompatible avec l'audace créatrice des architectes. Une audace dont la disparition dans notre pays a laissé place à des paysages urbains monotones, disgracieux et traduisant une future et importante ghettoïsation. Nos architectes sont aux abonnés absents ou sont marginalisés. Leur participation à l'essor de notre société n'est pas visible et, pire, semble compromis. On aurait aimé voir des « Jean Nouvel », « Peyo » ou « Oscar Niemeyer » algériens, traduisant l'identité algérienne et la modernité au travers de leurs œuvres créatrices. Des architectes qui réinventent l'habitat collectif en y intégrant l'humanité qui commence à nous faire défaut. Les programmes immobiliers, en cours, effrayent par leur densité et par leur structuration. A une époque où les cités modernes démolissent des structures inhumaines pour en faire des espaces de vie humaine, l'Algérie avance à rebrousse poils et reproduit ce qui par le passé a révélé de graves dysfonctionnements sociaux. Pour finir, les espaces verts qui s'amenuisent jour après jour, à commencer par nos cités. Chaque barre d'immeuble qui monte « assassine » un espace vert. Ce qui est visible à l'échelle individuelle, au travers des maisons, est devenu légion au niveau des constructions collectives. Très peu d'espaces verts, sont prévus. Rares sont les cités disposant d'un espace vert destiné a bien être de la collectivité et des enfants. Les cités qui sont en train d'éclore, tels que les 500 logements et autres programmes à El Hidhab, ne laissent entrevoir aucune verdure, si ce n'est la végétation sauvage qui se rebelle et qui s'impose contre la volonté humaine de l'annihiler. Pire, même les cités qui se développent à la campagne, tels qu'à Chouf El keddad ou Aïn Trick, font table rase de l'élément naturel. En ces moments où la communauté mondiale prend conscience du facteur écologique, nous régressons, une fois de plus, sur une question dont l'enjeu est d'abord vital. Le constat est alarmant et nous interpelle sur le devenir de nos villes et villages. Doit-on sacrifier la qualité sur l'autel du nombre ? Quelle image veut-on laisser de nos cités ? Peut-on espérer une prise de conscience de notre population à l'égard des problématiques des cités modernes ? Peut-on espérer un sursaut de la part du législateur, à l'instar de la Tunisie ? Nos immeubles sont-ils condamnés à être moches, non fonctionnels et non entretenus ?