Les journées et les nuits s'égrènent allègrement en ce début de Ramadan à Sétif dans un climat de piété et surtout de chaleur humaine comme en témoigne la cadence des visites familiales qui prend toute son amplitude durant ce mois sacré où les goûts vestimentaires et culinaires subissent un changement. Il n'est pas de mois plus animé, durant toute l'année, que celui de Ramadan. Cette fois-ci, le mois saint a pris davantage d'avance par rapport à ses devanciers, se situant en pleine saison estivale, au grand bonheur des vacanciers, trop nombreux ces temps-ci à la cité de Ain Fouara. En effet à Sétif, l'effervescence est montée d'un cran. Pour bien accueillir le mois de ramadan, les sétifiennes et sétifiens changent complètement d'aspect vestimentaire avec une prédilection pour les habits traditionnels, lesquels subissent aussi les changements incessants de la mode. A la grande fortune des couturiers comme en témoigne Ammi Bachir, le plus ancien couturier au quartier mozabite à Bab Biskra, qui croule sous les commandes des clients pour la confection de gandoura, Seroual « Arabe » et gilet traditionnel. Un retour à la tradition et aux habits d'antan qui apparaît ostentatoirement dans les mosquées où affluent en grand nombre les fidèles durant ce mois de piété et de recueillement. Un retour et un attachement aux traditions et des rites anciens et aussi d'époque qui font que le mois de Ramadan à Sétif comme d'ailleurs dans tout le pays, s'écoule allègrement dans un climat de piété et de solidarité, des valeurs qui consolident les attaches et renforcent la cohésion sociale. La journée, la ville ressemble à une fourmilière, elle grouille de monde, tout particulièrement dans les souks de Birgaye et 1014 logts et les centres commerciaux. Les mouvements et les activités redoublent d'intensité. La « garniture » du couffin de la ménagère constitue le programme de la première séance de travail ou de loisir, selon l'humeur de chacun. L'après-midi, avant la rupture du jeûne, les femmes se retranchent dans la maison, plus précisément dans la cuisine vaquent à leurs occupations de cordons bleus. Sur le registre culinaire, le mois de Ramadan est un pur moment de plaisir où toutes les recettes et mets de l'occasion trônent sur la table du F'tour et du Shour, l'ultime repas avant l'entame d'une nouvelle journée de jeûne. Hemiss, dattes, Matloua et aussi Le Bourek particulièrement prisés durant ce mois de Ramadan sans oublier l'incontournable soupe sétifienne : Chorba Frik. Les hommes, eux, dans leur grande majorité, vont, accompagnés de leurs enfants, « tuer » le temps à travers les multitudes de commerces occasionnels et autres vendeurs de Zlabia aux parfums bariolés. Pour les partisans du moindre effort, seule une sieste fait l'affaire par ces après-midi de canicule. Et, paradoxalement, en comparaison avec le reste de l'année, ce n'est que le soir, après avoir rompu le jeûne, que la cité s'anime le plus, s'éveillant toutefois petit à petit. Après la prière d'Etrawih à la mosquée du coin, tout le monde se disperse. Ça va dans tous les sens ! Chacun optant pour le choix qui lui sied le mieux. Les cafés se remplissent alors peu à peu. Bien installés à leur table, les hommes sirotent un thé, une boisson gazeuze ou un petit noir en guise d'entrée, digestion oblige. Plus tard dans la nuit, on passe aux gâteaux et autres pâtisseries pour meubler « le petit creux », le tout sur fond de jeux de dominos. Pour d'autres, les plus casaniers, le domicile familial constitue le lieu de détente idéal, après une longue journée laborieuse. La soirée débute pour eux avec les nombreux feuilletons qu'ils regardent en famille. Ça n'arrête pas alors de « zapper ! Et là, on se rassasie de pâtisseries de tous genres. Toutefois, la plupart des Sétifiens, en cette belle saison, ne sacrifieraient pour rien au monde les sorties pour des promenades nocturnes tout le long de l'avenue du 1er Novembre, appelée communément rue de Constantine. Les vendeurs de glaces et autres pâtisseries orientales sont inondés de lumières et de « couche-tard » respirant par là-même de l'air pur et « souffleté » par la brise des hauts-plateaux. Là, un ballet de voitures incessant ajoute à la frénésie de l'ambiance qui dure jusqu'au shour et où le calme commence à descendre sur les lieux. Du côté de Bab Biskra, c'est la ruée aux terrasses des cafés où la convivialité est légendaire. On discute, on fume le narguilé, on boit de l'eau, des jus, des boissons, on sirote du thé… qu'est-ce qu'on est bien ! En face, sur les deux contours de la mythique fontaine de Ain Fouara, le reflet des lumières sur l'eau qui jaillisse, présentent de jolis tableaux : une source d'inspiration sans égal pour les plus romantiques. Certains autres préfèrent fréquenter les espaces culturels où on peut apprécier diversement les activités programmées par la maison de la culture ou le comité des fêtes de la ville et autres associations qui en ont la charge. Soirées artistiques adaptés au mois sacré, conférences, compétitions religieuses, théâtre ou encore cinéma meubleront leurs nuits ramadanesques. Enfin, l'animation à Sétif au mois de Ramadan ne se conçoit pas sans les mets sucrés faits maison. Dans les traditions spécifiques de la capitale des hautes plaines, on peut goûter aux délices des gâteaux les plus variés, à loisir. Le plus consommé est le masfouf, du couscous blanc sucré agrémenté de raisins secs que l'on sert au « Shour ». Et le gâteau sur la cerise, la particularité sétifienne, est cette Zlabia ‘made in' Salah Bey, très succulente, un vrai régal ! Sétif a tout simplement conservé son authenticité. Ce mois apporte au musulman une certaine sérénité, un certain bien-être. Il s'agit d'un mois bienfaisant : foi, solidarité, charité et liens familiaux raffermis.