Hamid Skif a dédié sa vie et son œuvre aux marginaux et à ceux que la société a dépossédés de leurs droits. Selon le magazine DER SPIEGEL, "La voix de Hamid Skif est de celles que nous n'aimons pas entendre parce qu'elles nous obsèdent et ne nous lâchent plus". Maintenant, la voix cet écrivain engagé qui a dû quitter sa patrie dans les années 1990, s'est tue pour toujours. Vendredi, 18 mars à 5 heures du matin, il s'est éteint dans son domicile à Hambourg suite à un cancer du poumon. Hamid Skif, de son vrai nom Mohamed Benmebkhout, originaire de Bou Saâda,était né le 21 mars 1951 à Oran. Il a été confronté très tôt à la guerre et à la violence, ayant perdu, enfant, son oeil droit pendant la guerre, ce qui a aiguisé son sens pour l'injustice. Son grand-oncle était l'un des premiers speakers francophone à Radio Bagdad et dès l'âge de 12 ans, Hamid avait déjà décidé qu'il serait journaliste et poète. Engagement politique et "écrits dangereux" Il avait 17 ans quand il fit ses premiers pas dans le monde du théâtre aux côtés de Kateb Yacine, et à 20 ans, il avait sa place dans l'Anthologie de la jeune poésie algérienne de graphie française (1971) de Jean Sénac, il a aussi été journaliste à la revue Révolution Africaine et au quotidien La République. En 1973, il est arrêté une première fois après avoir écrit un article critique sur la police algérienne, et en 1974 il est muté à l'APS de Ouargla pour avoir protesté contre l'interdiction de son journal, puis en 1978 à Oran, et à partir de 1984 à Tipaza. Il obtient le prix national pour son scénario "Une si tendre enfance". Mais la télévision nationale le considère comme un contre-révolutionnaire et ses oeuvres ne seront pas publiées en Algérie. Lorsqu'en 1990, la presse algérienne se libéralise, il s'essaie en tant que journaliste libre, fonde le magazine économique Perspectives et en 1992 l'Association des Journalistes Algériens. En 1993/94, les premiers intellectuels algériens, Tahar Djaout, Youcef Sebti, sont victimes d'attentats terroristes, Skif échappe de justesse à trois tentatives de meurtre et quitte le coeur lourd l'Algérie avec femme et enfants. En 1995/96 il séjourne en Allemagne avec une bourse de la fondation Heinrich-Böll. Depuis 1997 il vit à Hambourg avec l'aide du fonds "Schriftsteller-im-Exil"(Ecrivains en exil), un programme du Pen-Clubs et de l'association « Hamburger Stiftung für Politisch Verfolgte » (Association Hambourgeoise pour exilés politiques). Avocat sans robe Lui, le persécuté, qui a subi la censure et l'humiliation - „on m'a obligé avec le revolver sur la tempe de me mettre à genoux pour lire mes poèmes“ - s'engage sans répit pour les persécutés, avec sa prose, sa poésie, avec le choix de ses thèmes et son style inspiré par Bertolt Brecht. Aux côtés des dépossédés. Dans „Géographie du danger“ (2007), Hamid Skif décrit la peur et la misère sociale des „Sans-papiers“ en Europe. Cette œuvre sera primée deux fois en France. „Je voulais devenir avocat. Je le suis devenu sans robe et sans tribunal. Je m'engage toujours pour les marginaux et ceux qu'on a dépossédés de leurs droits, ceux pour qui personne ne prend la parole“ dit Hamid Skif en 2005 à Heidelberg, lors de l'attribution du prestigieux prix "Hilde-Domin-Preis“de la littérature en exil pour son roman "Monsieur le Président". Dans son discours de remerciement, il exhorte la ville de Heidelberg à organiser un Festival de la littérature maghrébine. Il inaugure la première session de la journée du Maghreb en 2007 dans le cadre des journées littéraires avec Albert Memmi et Christoph Leisten, et est présent lors des secondes journées en 2009 avec Habib Tengour et Leila Abouzeid. Le festival a perdu son parrain, mais l'idée vit et son élaboration se poursuit. Le projet, issu de la plume de Hamid Skif, d'un festival à Essaouira, au Maroc est réalité depuis longtemps . Sa générosité, ses idées, son altruisme, son humour tendre et sa bonté nous manqueront. Les paroles de Skif "Même si j'ai quitté l'Algérie, l'Algérie, elle, ne m'a jamais quitté" sont comme un écho à celles de Hilde Domin qui a écrit : "On doit être capable de partir, mais rester fort comme un arbre". Il avait tant de projets... son engagement pour une reconnaissance du peintre Abdelkader Guermaz n'était que l'un d'eux. A présent il fait son dernier voyage vers son pays, puisse-t-il y trouver la paix qu'il n'a pas eue de son vivant. Texte Regina Keil-Sagawe paru dans la presse Allemande Regina Keil-Sagawe est romaniste, publiciste et traductrice Nouvelles : Citrouille fêlée » (1998), Les Escaliers du ciel, Nouvelles de la maison du silence, Les Exilés du Matin Romans : La Princesse et le Clown (2000) Monsieur le président » (2002) La Géographie du danger(2006) . Poèmes : Poèmes de l'adieu La rouille sur les paupières Le Serment du Scorpion Poèmes d'El Asnam et d'autres lieux Cuardenos de la Afrobetica Lettres d'absence