CLXXXXVIIe nuit (Suite) Seigneur, lui dit la belle Persane, permettez-moi de vous dire que vous n?avez voulu vous en rapporter qu?? votre propre sens; vous voyez pr?sentement ce qui vous est arriv?. Je ne me trompais pas lorsque je vous pr?disais la triste fin ? laquelle vous deviez vous attendre. Ce qui me fait de la peine, c?est que vous ne voyez pas tout ce qu?elle a de f?cheux. Quand je voulais vous en dire ma pens?e: R?jouissons-nous, me disiez-vous, et profitons du bon temps que la fortune nous offre pendant qu?elle nous est favorable; peut-?tre ne sera-t-elle pas toujours de si bonne humeur. Mais je n?avais pas tort de vous r?pondre que nous ?tions nous-m?mes les artisans de notre bonne fortune par une sage conduite. Vous n?avez pas voulu m??couter, et j?ai ?t? contrainte de vous laisser faire malgr? moi. -J?avoue, repartit Noureddin, que j?ai eu tort de n?avoir pas suivi les avis si salutaires que vous me donniez avec votre sagesse admirable; mais si j?ai mang? tout mon bien, vous ne consid?rez pas que cela a ?t? avec une ?lite d?amis que je connais depuis longtemps. Ils sont honn?tes et pleins de reconnaissance; je suis s?r qu?ils ne m?abandonneront pas. -Seigneur, r?pliqua la belle Persane, si vous n?avez pas d?autre ressource qu?en la reconnaissance de vos amis, croyez-moi, votre esp?rance est mal fond?e, et vous m?en direz des nouvelles avec le temps. -Charmante Persane, dit ? cela Noureddin, j?ai meilleure opinion que vous du secours qu?ils me donneront. Je veux aller les voir tous d?s demain, avant qu?ils prennent la peine de venir, ? leur ordinaire, et vous me verrez revenir avec une bonne somme d?argent, dont ils m?auront secouru tous ensemble. Je changerai de vie, comme j?y suis r?solu, et je ferai profiter cet argent par quelque n?goce?. Noureddin ne manqua pas d?aller, le lendemain, chez ses dix amis, qui demeuraient dans une m?me rue; il frappa ? la premi?re porte qui se pr?senta et o? demeurait un des plus riches. Une esclave vint et, avant d?ouvrir, elle demanda qui frappait. ?Dites ? votre ma?tre, r?pondit Noureddin, que c?est Noureddin, fils du feu vizir Khacan?. L?esclave ouvrit, l?introduisit dans une salle et entra dans la chambre o? ?tait son ma?tre, ? qui elle annon?a que Noureddin venait le voir. ?Noureddin! reprit le ma?tre avec un ton de m?pris et si haut que Noureddin l?entendit avec un grand ?tonnement. Va, dis-lui que je n?y suis pas; et toutes les fois o? il viendra, dis-lui la m?me chose?. L?esclave revint et donna pour r?ponse ? Noureddin qu?elle avait cru que son ma?tre y ?tait, mais qu?elle s??tait tromp?e. Noureddin sortit avec confusion: ?Ah! Le perfide, le m?chant homme s??cria-t-il. Il me protestait hier que je n?avais pas un meilleur ami que lui, et aujourd?hui il me traite si indignement?. Il alla frapper ? la porte d?un autre ami, et cet ami lui fit dire la m?me chose que le premier. Il eut la m?me r?ponse chez le troisi?me, et ainsi des autres, jusqu?au dixi?me, quoiqu?ils fussent tous chez eux.