CCIII?me nuit (Suite) Noureddin ne r?pondit pas un mot ? ces reproches, et il marqua par son silence qu?il ne se repentait pas de la donation qu?il avait faite. Mais le calife, surpris de ce qu?il venait d?entendre, lui dit: ?Seigneur, ? ce que je vois, cette dame si belle, si rare, si admirable, dont vous venez de me faire pr?sent, avec tant de g?n?rosit?, est votre esclave, et vous ?tes son ma?tre? -Cela est vrai, Kerim, reprit Noureddin, et tu serais beaucoup plus ?tonn? que tu ne le parais, si je te racontais toutes les disgr?ces qui me sont arriv?es ? son occasion. -Eh de gr?ce, seigneur, repartit le calife en s?acquittant toujours fort bien du personnage du p?cheur, obligez-moi de me faire part de votre histoire?. Noureddin, qui venait de faire pour lui d?autres choses de plus grande cons?quence, quoiqu?il ne le regard?t que comme p?cheur, voulut bien encore avoir cette complaisance. Il lui raconta toute son histoire, ? commencer par l?achat que le vizir, son p?re, avait fait de la belle Persane pour le roi de Balsora, et n?omit rien de ce qu?il avait fait et de tout ce qui lui ?tait arriv?, jusqu?? son arriv?e ? Bagdad avec elle, et jusqu?au moment o? il lui parlait. Quand Noureddin eut achev?: ?Et pr?sentement, o? allez-vous? demanda le calife. -O? je vais? r?pondit-il. O? Dieu me conduira. -Si vous me croyez, reprit le calife, vous n?irez pas plus loin il faut, au contraire, que vous retourniez ? Balsora. Je vais vous donner un mot de lettre que vous donnerez au roi de ma part; vous verrez qu?il vous recevra fort bien d?s qu?il l?aura lue, et que personne ne vous dira mot. -Kerim, repartit Noureddin, ce que tu me dis est bien singulier: jamais on a dit qu?un p?cheur comme toi ait eu correspondance avec un roi! -Cela ne doit pas vous ?tonner, r?pliqua le calife: nous avons fait nos ?tudes ensemble sous les m?mes ma?tres, et nous avons toujours ?t? les meilleurs amis du monde. Il est vrai que la fortune ne nous a pas ?t? ?galement favorable elle l?a fait roi, et m?a fait p?cheur; mais cette in?galit? n?a pas diminu? notre amiti?. Il a voulu me tirer hors de mon ?tat avec tous les empressements imaginables. Je me suis content? de la consid?ration qu?il a de ne me rien refuser de tout ce que je lui demande pour le service de mes amis, laissez-moi faire, et vous en verrez le succ?s?. Noureddin consentit ? ce que le calife voulut. Comme il y avait dans le salon de tout ce qu?il fallait pour ?crire, le calife ?crivit cette lettre au roi de Balsora, au haut de laquelle, presque sur l?extr?mit? du papier, il ajouta cette formule en tr?s petits caract?res ?Au nom de Dieu tr?s mis?ricordieux,? pour marquer qu?il voulait ?tre ob?i absolument.