CLXXXXIXe nuit Quand le vizir Saouy eut attendu quelque temps et qu?il vit qu?aucun des marchands n?ench?rissait: ?Eh bien, qu?attends-tu? dit-il ? Hagi Hassan. Va trouver le vendeur et conclus le march? avec lui ? quatre mille pi?ces d?or, ou sache ce qu?il pr?tend faire?. Il ne savait pas encore que l?esclave appart?nt ? Noureddin. Hagi Hassan, qui avait d?j? ferm? la porte de la chambre, alla s?aboucher avec Noureddin: ?Seigneur, lui dit-il, je suis bien f?ch? de venir vous annoncer une mauvaise nouvelle: votre esclave va ?tre vendue pour rien. -Pour quelle raison? reprit Noureddin. -Seigneur, repartit Hagi Hassan, la chose avait pris d?abord un fort bon train. D?s que les marchands eurent vu votre esclave, ils me charg?rent, sans faire de fa?on, de la crier ? quatre mille pi?ces d?or. Je l?ai cri?e ? ce prix-l?; et aussit?t le vizir Saouy est venu, et sa pr?sence a ferm? la bouche aux marchands, que je voyais dispos?s ? la faire monter au moins au m?me prix qu?elle co?ta au feu vizir votre p?re. Saouy ne veut en donner que les quatre mille pi?ces d?or, et c?est bien malgr? moi que je viens vous apporter une parole si d?raisonnable. L?esclave est ? vous, mais je ne vous conseillerai jamais de la l?cher ? ce prix-l?. Vous le connaissez, seigneur, et tout le monde le conna?t. Outre que l?esclave vaut infiniment davantage, il est assez m?chant homme pour imaginer quelque moyen de ne vous pas compter la somme. -Hagi Hassan, r?pliqua Noureddin, je te suis oblig? de ton conseil; ne crains pas que je souffre que mon esclave soit vendue ? l?ennemi de ma maison. J?ai grand besoin d?argent mais j?aimerais mieux mourir dans la derni?re pauvret? que de permettre qu?elle lui soit livr?e. Je te demande une seule chose: comme tu sais tous les usages et tous les d?tours, dis-moi seulement ce que je dois faire pour l?en emp?cher. -Seigneur, r?pondit Hagi Hassan, rien n?est plus ais?. Faites semblant de vous ?tre mis en col?re contre votre esclave et d?avoir jur? que vous l?am?neriez au march?, mais que vous n?avez pas entendu la vendre, et que ce que vous en avez fait n?a ?t? que pour vous acquitter de votre serment. Cela satisfera tout le monde, et Saouy n?aura rien ? vous dire. Venez donc; et, dans le moment que je la pr?senterai ? Saouy, comme si c??tait de votre consentement et que le march? f?t arr?t?, reprenez-la en lui donnant quelques coups et ramenez-la chez vous. -Je te remercie, lui dit Noureddin; tu verras que je suivrai ton conseil?. Hagi Hassan retourna ? la chambre; il l?ouvrit et entra; apr?s avoir averti la belle Persane, en deux mots, de ne pas s?alarmer de ce qui allait arriver, il la prit par le bras et l?amena au vizir Saouy, qui ?tait toujours devant la porte: Seigneur, dit-il en la lui pr?sentant, voil? l?esclave, elle est ? vous, prenez-la?.