CLXXXXVIIIe nuit (Suite) -Ah! Charmante et belle Persane! s??cria Noureddin, est-il possible que vous ayez pu concevoir cette pens?e? Vous ai-je donn? si peu de marques de mon amour, que vous me croyiez capable de cette l?chet? indigne? Pourrais-je le faire sans ?tre parjure, apr?s le serment que j?ai fait ? feu mon p?re de ne vous jamais vendre? Je mourrais plut?t que d?y contrevenir et que de me s?parer d?avec vous, que j?aime, je ne dis pas autant, mais plus que moi-m?me. En me faisant une proposition si d?raisonnable, vous me faites conna?tre qu?il s?en faut de beaucoup que vous m?aimiez autant que je vous aime. -Seigneur, reprit la belle Persane, je suis convaincue que vous m?aimez autant que vous le dites; et Dieu conna?t si la passion que j?ai pour vous est inf?rieure ? la v?tre et combien j?ai eu de r?pugnance ? vous faire la proposition qui vous r?volte si fort contre moi. Pour d?truire la raison que vous m?apportez, je n?ai qu?? vous faire souvenir que la n?cessit? n?a pas de loi. Je vous aime ? un point qu?il n?est pas possible que vous m?aimiez davantage; et je puis vous assurer que je ne cesserai jamais de vous aimer de m?me, ? quelque ma?tre que je puisse appartenir. Je n?aurai pas m?me un plus grand plaisir au monde que de me r?unir avec vous d?s que vos affaires vous permettront de me racheter, comme je l?esp?re. Voil?, je l?avoue, une n?cessit? bien cruelle pour vous et pour moi; mais, apr?s tout, je ne vois pas d?autres moyens de nous tirer de la mis?re, vous et moi?. Noureddin, qui connaissait fort bien la v?rit? de ce que la belle Persane venait de lui repr?senter, et qui n?avait point d?autre ressource pour ?viter une pauvret? ignominieuse, fut contraint de prendre le parti qu?elle lui avait propos?. Ainsi il la mena au march? o? l?on vendait les femmes esclaves, avec un regret qu?on ne peut exprimer. Il s?adressa ? un courtier nomm? Hagi Hassan. ?Hagi Hassan, lui dit-il, voici une esclave que je veux vendre; vois, je te prie, le prix qu?on en voudra donner?. Hagi Hassan fit entrer Noureddin et la belle Persane dans une chambre; et d?s que la belle Persane eut ?t? le voile qui lui cachait le visage: ?Seigneur, dit Hagi Hassan ? Noureddin avec admiration, me tromp?-je? N?est-ce pas l?esclave que le feu vizir votre p?re acheta dix mille pi?ces d?or?? Noureddin lui assura que c??tait elle-m?me; et Hagi Hassan, en lui faisant esp?rer qu?il en tirerait une grosse somme, lui promit d?employer tout son art ? la faire acheter au plus haut prix qu?il lui serait possible. Hagi Hassan et Noureddin sortirent de la chambre, et Hagi Hassan y enferma la belle Persane. Il alla ensuite chercher les marchands; mais ils ?taient tous occup?s ? acheter des esclaves grecques, africaines, tartares et autres, et il fut oblig? d?attendre qu?ils eussent fait leurs achats.