CCVI?me nuit (Suite) Ce discours de mon fr?re me mit dans une grande col?re contre lui. ?Mon fr?re, lui dis-je, du c?t? de mon p?re et de ma m?re, je descends comme vous des rois et des reines de la mer, sans aucune alliance avec les rois de la terre; je ne pr?tends pas me m?sallier non plus qu?eux, et j?en ai fait le serment d?s que j?ai eu assez de connaissance pour m?apercevoir de la noblesse et de l?anciennet? de notre maison. L??tat o? nous sommes r?duits ne m?obligera pas de changer de r?solution; et, si vous avez ? p?rir dans l?ex?cution de votre dessein, je suis pr?te ? p?rir avec vous plut?t que de suivre un conseil que je n?attendais pas de votre part?. Mon fr?re, ent?t? de ce mariage, qui ne me convenait pas, ? mon sens, voulut me repr?senter qu?il y avait des rois de la terre qui ne c?deraient pas ? ceux de la mer. Cela me mit dans une col?re et dans un emportement contre lui qui m?attir?rent des duret?s de sa part, dont je fus piqu?e au vif. Il me quitta aussi peu satisfait de moi que j??tais mal satisfaite de lui. Dans le d?pit o? j??tais, je m??lan?ai du fond de la mer et j?allai aborder ? l??le de la Lune. Malgr? le cuisant m?contentement qui m?avait oblig?e de venir me jeter dans cette ?le, je ne laissais pas d?y vivre assez contente, et je me retirais dans les lieux ?cart?s o? j??tais commod?ment. Mes pr?cautions n?anmoins n?emp?ch?rent pas qu?un homme de quelque distinction, accompagn? de domestiques, ne me surpr?t comme je dormais et ne m?emmen?t chez lui. Il me t?moigna beaucoup d?amour, il n?oublia rien pour me persuader d?y r?pondre. Quand il vit qu?il ne gagnait rien par la douceur, il crut qu?il r?ussirait mieux par la force; mais je le fis si bien repentir de son insolence qu?il r?solut de me vendre, et il me vendit au marchand qui m?a amen?e et vendue ? Votre Majest?. C??tait un homme sage, doux et humain; et dans le long voyage qu?il me fit faire, il ne me donna que des sujets de me louer de lui. Pour ce qui est de Votre Majest?, continua la princesse Gulnare, si elle n?e?t eu pour moi toutes les consid?rations dont je lui suis oblig?e; si elle ne m?e?t donn? tant de marques d?amour avec une sinc?rit? dont je n?ai pu douter; que, sans h?siter, elle n?e?t pas chass? toutes ses femmes, je ne feins pas de le dire, je ne serais pas demeur?e avec elle. Je me serais jet?e dans la mer par cette fen?tre, o? elle m?aborda la premi?re fois qu?elle me vit dans cet appartement, et je serais all?e retrouver mon fr?re, ma m?re et mes parents. J?eusse m?me pers?v?r? dans ce dessein et je l?eusse ex?cut?, si, apr?s un certain temps, j?eusse perdu l?esp?rance d?une grossesse. Je me garderais bien de le faire dans l??tat o? je suis. En effet, quoi que je puisse dire ? ma m?re et ? mon fr?re, jamais ils ne voudraient croire que j?eusse ?t? esclave d?un roi comme Votre Majest?, et jamais aussi ils ne reviendraient de la faute que j?aurais commise contre mon honneur, de mon consentement. Avec cela, sire, soit un prince ou une princesse que je mette au monde, ce sera un gage qui m?obligera de ne me s?parer jamais d?avec Votre Majest?. J?esp?re aussi qu?elle ne me regardera plus comme une esclave, mais comme une princesse qui n?est pas indigne de son alliance?.