CCXXIème Nuit Schahriar y consentit; mais comme le jour commençait à paraître, on la remit à la nuit suivante. La sultane la commença de cette manière: Un roi de Balsora possédait de grandes richesses. Il était aimé de ses sujets; mais il n'avait point d'enfants, et cela l'affligeait beaucoup. Cependant, il engagea par des présents considérables tous les saints personnages de ses Etats à demander au ciel un fils pour lui; et leurs prières ne furent pas inutiles: la reine devint grosse et accoucha très heureusement d'un prince qui fut nommé Zeyn Alasnam, c'est-à-dire l'ornement des statues. Le roi fit assembler tous les astrologues de son royaume et leur ordonna de tirer l'horoscope de l'enfant. Ils découvrirent par leurs observations qu'il vivrait longtemps, qu'il serait courageux, mais qu'il aurait besoin de courage pour soutenir avec fermeté les malheurs qui le menaçaient. Le roi ne fut point épouvanté de cette prédiction. «Mon fils, lit-il, n'est pas à plaindre, puisqu'il doit être courageux; il est bon que les princes éprouvent des disgrâces; l'adversité purifie leur vertu; ils en savent mieux régner.» Il récompensa les astrologues et les renvoya. Il fit élever Zeyn avec tout le soin imaginable. Il lui donna des maîtres, dès qu'il le vit en âge de profiter de leurs instructions. Enfin, il se proposait d'en faire un prince accompli, quand tout à coup ce bon roi tomba malade d'une maladie que ses médecins ne purent guérir. Se voyant au lit de la mort, il appela son fils et lui recommanda, entre autres choses, de s'attacher à se faire aimer plutôt qu'à se faire craindre de son peuple; de ne point prêter l'oreille aux flatteurs et l'être aussi lent à récompenser qu'à punir, parce qu'il arrivait souvent que les rois, séduits par de fausses apparences, accablaient de bienfaits les méchants et opprimaient l'innocence. Aussitôt que le roi fut mort, le prince Zeyn prit le deuil, qu'il porta durant sept jours. Le huitième, il monta sur le trône, ôta du trésor royal le sceau de son père pour y mettre le sien, et commença à goûter la douceur de régner. Le plaisir de voir tous ses courtisans fléchir devant lui et se faire leur unique étude de lui prouver leur obéissance et leur zèle; en un mot, le pouvoir souverain eut trop de charmes pour lui. Il ne regarda que ce que ses sujets lui devaient, sans penser à ce qu'il devait à ses sujets. Il se mit peu en peine de les bien gouverner. Il se plongea dans toutes sortes de débauches avec de jeunes voluptueux, qu'il revêtit des premières charges de l'Etat. Il n'eut plus règle. Comme il était naturellement prodigue, il ne mit aucun frein à ses largesses, et insensiblement ses femmes et ses favoris épuisèrent ses trésors.