Les arguments fallacieux des partisans de la mise en accusation de l'armée algérienne dans l'affaire des moines tombent comme des châteaux de cartes. Après le changement de ton du président Sarkozy puis la prise de position de son ministre de la Défense, Hervé Morin, c'est au tour du célèbre magistrat Jean- Louis Bruguière qui avait instruit l'affaire de remettre l'avocat des proches des moines, Me Patrick Baudouin, à sa place. Dans un entretien accordé hier à l'hebdomadaire français l'Express, le magistrat antiterroriste a notamment qualifié l'avocat Baudouin- qui a dressé un réquisitoire contre l'armée algérienne- d'être un «imposteur». Ne pouvant se taire devant les «propos mensongers et injurieux» proférés contre lui par l'avocat, qui l'accuse d'avoir refusé d'entendre en tant que juge le général Buchwalter, Bruguière répond "c'est entièrement faux ! Me Baudouin ne m'a jamais fourni le nom du général Buchwalter". L'ex-magistrat antiterroriste reconnaît par contre que Baudouin lui avait remis «une longue liste de personnes à entendre, allant d'Alain Juppé à un spécialiste belge du terrorisme, le responsable de la DGSE et l'attaché militaire de l'ambassade de France en Algérie. Il relève également que le général Buchwalter à l'époque des faits «n'a jamais évoqué une participation de l'armée algérienne comme il le fait aujourd'hui». Bruguière s'interroge pourquoi le général Buchwalter ne l'avait pas contacté alors qu'il le «pouvait à tout moment et je l'aurais entendu sur-le-champ». Il s'étonne du fait que ce dernier ait mis «tout de même treize ans pour se manifester auprès de la justice». Le juge antiterroriste précise en outre que la déposition du général Rondot qui disculpe l'armée algérienne «n'a pas, selon toute vraisemblance, plu à Me Baudouin». Ce qui lui a fait dire que «Me Baudouin a ses bons et ses mauvais généraux!» "Me Baudouin vous accuse d'avoir voulu orienter délibérément l'enquête pour écarter la responsabilité des autorités algériennes ?" interroge l'Express. «C'est une formule mensongère!» dénonce Bruguière qui accuse à son tour Me Baudouin d'avoir voulu «depuis le début, démontrer que les services algériens sont impliqués dans ces meurtres avec la participation de la France ; la droite, alors au pouvoir, étant évidemment complice... » Voilà qui met à nu les véritables intentions de l'avocat des proches des moines. Jean Louis Bruguière raconte qu'il était venu en Algérie et a récupéré notamment «les communiqués du Groupe islamique armé (GIA) qui reconnaissait avoir enlevé et assassiné les moines». De retour en France, Bruguière précise qu'il avait entendu les quatre personnes au «plus près des événements». Il est question de l'ambassadeur de France à Alger, Michel Lévêque, et Hubert Colin de Verdière, le directeur de cabinet du ministre des Affaires étrangères de l'époque, et enfin Hervé de Charette. L'ex-magistrat ajoute qu'il a ensuite reçu le général Rondot, parti à Alger pour le compte de la DST et enfin Jacques Dewatre, le responsable de la DG. Bruguière s'étonne du fait que son accusateur n'ait pas jugé utile de déposer de requête «en suspicion légitime pour obtenir un changement de juge, ce qui était son droit le plus absolu». Pour lui, le dessein de Me Baudouin est clair : «Il aurait voulu choisir son juge, le service enquêteur et les faits qui vont dans le sens de sa démonstration politique». En terme plus clair, orienter les pistes et donc les résultats de l'enquête. Pour Bruguière, ce «n'est pas ainsi qu'on défend les intérêts des victimes ni ceux de la justice». C'est pourquoi l'avocat Baudouin n'est rien d'autre à ses yeux qu'un «imposteur qui tente d'abuser de la crédulité de l'opinion publique».» Une sentence cinglante prononcée par un juge à la réputation bien établie.