C'est un sort incertain qui attend plus d'une cinquantaine de familles du quartier Medioni et d'Es-Sénia qui viennent d'être expulsées de leurs logements, en application de décisions judiciaires. Ces familles actuellement sans abris vivent dans des conditions difficiles, voire inhumaines. «Je regrette le jour où j'ai décidé de rentrer au pays. J'aurais certainement dû supporter une trentaine d'années encore à l'étranger, plutôt que de subir un tel sort. Du jour au lendemain, je me retrouve, moi et ma famille, dans la rue. Où sont les droits de citoyenneté dont nous devons jouir ? Le droit au logement est un droit constitutionnel !», dira Bouzidi Saïdi, un chef de l'une de familles hébergées sous des tentes dressées dans la rue Aroumia. Notre interlocuteur ajoute : «Je suis incapable de savoir ce qui s'est passé… J'ai perdu la maison où ont grandi mes enfants, et j'ai failli perdre mon fils aîné qui a tenté de se suicider sous le coup de la colère. C'est un vrai cauchemar dont j'aimerai bien le réveiller !» Son fils Saïdi Hossein, 31 ans, relate l'amertume qui l'a poussé à cette tentative de suicide : «Je n'ai pas supporté le sentiment d'injustice mêlé à celui d'humiliation, en voyant ma mère assise sur le trottoir en train de pleurer, parce qu'on la dessaisie de la maison qui l'a vu traverser les meilleurs souvenir de sa vie. C'est à cet instant que, sans m'en rendre compte, j'ai tenté de me jeter sous les roues du camion. J'ai perdu conscience jusqu'au moment où je me réveillai, alité, le corps plâtré à l'hôpital». Quant à Hamdani Abdelkader, un ancien employé de la société nationale de transport de voyageurs, il dira : «J'ai passé ma première nuit dans la rue, et je n'arrive toujours pas à réaliser ce qui s'est produit. Qu'allons-nous devenir, nous et nos enfants, alors que le Ramadan est pour bientôt ?... Qu'elle faute ont-ils commise ces enfants ?...» Parmi ces enfants, Amine, âgé de 9 ans, dira : «Je ne pensais pas que j'allais devenir un jour un SDF. J'aimais tant le trottoir, mais pour y jouer… non pour y dormir. Aujourd'hui, nous faisons partie des habitants de la rue». Des employés de l'administration publique n'ont pas échappé, également, à la décision d'expulsion. Mimoun Kaddour, un fonctionnaire du service de l'environnement relevant de la Commune d'Oran, dira : «Voilà ce qui arrive aux citoyens qui n'osent pas transgresser la loi en construisant illicitement où en squattant les biens qui ne sont les leurs ! Je fais partie des habitants de cette ville, et j'ai introduit des dizaines de demandes d'octroi de logements sociaux, mais, sans succès. Malheureusement, la priorité à l'octroi des logements sociaux est accordée à ceux qui ne respectent pas la loi, et qui n'ont aucune gêne à construire illicitement». D'autres familles ont été expulsées dans la commune d'Es-Sénia. Le dénommé Hossein est chef d'une de ces familles. Il dira : «Nous habitons cet endroit depuis le début des années 90. Avant, nous habitions dans une zone isolée, à Tafraoui, que nous avons quittée pour des raisons liées aux conditions sécuritaires que vivait notre pays». Plusieurs familles vivant dans des circonstances similaires ont observé une série de contestations devant le siège de la wilaya durant les semaines passées, en l'absence de solutions susceptibles de mettre un terme à leur souffrance.