Alors que les marchés des télécoms marocain et tunisien sont très dynamiques, celui de l'Algérie ne tient pas toutes ses promesses après dix ans de libéralisation. Au moment où le marché des télécoms bouge chez nos voisins -Maroc Télécom, la filiale de Vivendi (à 53%), vient de racheter 51% du capital de l'opérateur malien Sotelma, moins de quinze jours après l'annonce de l'octroi d'une troisième licence 3G en Tunisie- l'Algérie n'arrive pas à retrouver ses marques. Pourtant, «l'ouverture du marché en Algérie initié en 2000 devait impulser dix ans d'avance sur ses voisins», explique Didier Fontaine, le patron du cabinet conseil Algeria Vision qui travaille avec les principaux fournisseurs d'accès Internet. Très critique, il considère le secteur des télécoms «sinistré». Son argumentaire, le marché du mobile qui était en pleine croissance pendant des années, a reculé en 2008 (-1,6%), alors que le dynamisme perdure au Maroc (+16%) et en Tunisie (+9,3%). Avec 52,9% de parts du marché. Pour preuve, le cabinet cite le cas de OTA/ Djezzy, la filiale la plus rentable du groupe égyptien Orascom. Même si elle continue de distancer ATM Mobilis, la filiale d'Algérie Télécom (28,5%) et WTA/Nedjma, du qatari Wataniya Telecom (19,3%). Le cabinet conseil a souligné par ailleurs que les activités les plus touchées sont «la téléphonie fixe, l'Internet haut débit et l'utilisation des nouvelles technologies. Il prend pour principal accusé Algérie Télécom (AT). «L'opérateur historique, qui a le monopole du fixe et des infrastructures, ne parvient pas à stimuler le marché» résume Didier Fontaine. Selon le cabinet Algeria Vision, l'arrivée, il y a un an, de Moussa Benhamadi à la tête d'AT, avec la promesse d'une nouvelle stratégie, a dérouté plus d'une personne. Depuis qu'il a multiplié les annonces, à savoir atteindre 6 millions d'abonnés au fixe en 2013, soit le double d'aujourd'hui, et développer l'accès à Internet dont la bande passante est aujourd'hui saturée, en misant sur l'ADSL et le Wimax. Quant à l'ouverture du capital de l'opérateur historique, c'est l'Arlésienne depuis 2004. Moussa Benhamadi qui, fin 2008, envisageait encore qu'elle se concrétise à l'horizon 2011, a tranché le 15 février 2009: «Algérie Télécom ne sera pas privatisée et son capital ne sera pas ouvert au privé». Impossible, du coup, de compter sur l'expertise et l'appui financier de France Télécom ou de British Telecom. Le PDG l'a affirmé:"AT se développera seule, elle en a les moyens." "AT semble vouloir se positionner en tant que fournisseur d'infrastructures en situation de monopole et s'orienter vers le marché du haut débit", décrypte Russell Southwood, directeur général de Balancing Act, cabinet spécialisé sur les télécoms en Afrique. Mais l'obstacle, reconnaît Xavier Decoster, expert chez Tera Consultants, demeure les lignes téléphoniques qui sont de mauvaise qualité. C'est pourquoi, l'opérateur historique s'est donné comme priorité le développement de la fibre optique, grâce à un plan d'investissement de 100 milliards de dinars d'ici à 2013. Sauf que la question que posent les experts, AT en a-t-elle vraiment les moyens? Etant donné que la marge de manœuvre de Moussa Benhamadi reste réduite. Le groupe peine à recouvrir des créances, surtout auprès de l'Etat, pour près de 50 milliards de dinars (500 millions d'euros), soit presque le chiffre d'affaires estimé à 60 milliards de dinars en 2008. «Reste à voir si le gouvernement algérien soutiendra un tel niveau de dépenses», tempère Russell Southwood. Le programme e-Algérie 2013, lancé au début de 2009 pour développer les TIC, pourrait y contribuer s'il avait un budget. «Il sera élaboré en fonction des étapes et des phases prévues pour son exécution, et présenté par année jusqu'à sa finalisation avec une consolidation en 2009-2013», précise un document du ministère des Postes et des Télécommunications.